Allons donc en Occident !
« Quel est le pays de tes rêves ? » me demande un jour un ami. « La RDC » lui répondis-je. Réaction immédiate : « Tu es un gros con, mon petit ». Je ne pouvais pas accepter d’être ainsi qualifié. « Toi aussi, tu en es un… un très gros con », répliquai-je. Tout était réuni pour le pire. Pourquoi ? Deux opinions fortement opposées sur l’Occident. Partir ou ne pas partir ? Pourquoi donc ? Pas toujours facile le consensus parmi les jeunes sur la question de l’immigration. Cet échange s’est passé à Lubumbashi, je l’ai vécu comme je vous le raconte.
On vient de finir le montage vidéo d’un reportage. On peut papoter. Allons, quoi ! On parle des rêves. Rêvons donc. Thys, un collègue de service vient de quitter la dernière fenêtre où il a lu des infos sur « comment immigrer en … ». Internet, ça le connaît. C’est presque un as de l’informatique. Il a une licence en droit. Il est intelligent, de temps en temps il m’impressionne. Chez lui à la maison, il a un écran plasma connecté à un décodeur qui lui donne des chaînes cryptées, un PC, un téléphone androïde connecté… quand il parle de l’Occident ou d’ailleurs, il ne dit pas des âneries. Mais c’est sans y avoir été. C’est l’Occident d’après la télévision et Internet : des images sélectionnées, orientées.
Trop vieux pour mon époque
Vient alors cette question qui a failli nous plonger dans une dispute. C’est amical avant que ma réponse ne vienne tout vaciller. « Je préfère vivre dans mon pays, la République démocratique du Congo. » Pourquoi, me demande-t-il ? « Je ne vois pas pourquoi aller ailleurs. Je devrais savoir quoi y faire. C’est pour une mission ? Ça va. Puis, je serai de retour chez moi. Pour les études, une formation : avec plaisir, je partirai. Pour autre chose, je vivrai ici jusqu’au dernier jour. » Voilà qui fait de moi un con, un gros con.
C’est quand même beaucoup, hein ! (Con, puis gros con !). Allons. Mon ami s’explique : « Tout le monde attend le jour où il pourra sortir de cet enfer (le Congo). Mais tu t’obstines à croire que tu peux vivres ici. Crois-tu que ton petit boulot ici te mènera quelque part ? »… Je reste calme. Il ne manque pas de raison, dans une certaine mesure. Mais je ne me laisse pas endoctriner comme ça. L’esprit cartésien, il est à nous tous. « Qui t’a dit qu’ailleurs on vit toujours mieux ? C’est Internet, la télé ? Les chômeurs, même en Occident, le bien industrialisé Occident, même aux Etats-Unis, en Chine… ils sont là. Les gens dorment affamés. Sans doute, dans une autre forme que chez nous. Mais qu’est-ce qui vous rassure qu’en y allant vous réussirez ? » Un étudiant avec qui j’ai décidé de discuter sur cette question, un peu plus tard était formel : « Je finis ma licence, je pars en Europe. Je ne peux pas rester ici. Même si je devais laver les cadavres ! »
Allons donc ailleurs, en Occident !
Thys s’est senti offensé. La conversation est troublée. Allons donc ailleurs ! Où ? – En Occident. – L’Occident reste la terre des rêves, c’est plus fort que nous. Je l’avoue. (Faites attention quand je dis nous !) Durant les années de la colonisation, on a passé le temps à présenter le pays des blancs comme le plus beau, proche de Dieu et parfois où Dieu réside ; le pays où il fait beau vivre ! En plus, tous les meilleurs d’Afrique, or, diamant, cuivre, bois, les malles d’argent et même les savants, c’est en Occident qu’ils se rendent. Et quand on pense à ces guerres qui parfois sont alimentées par des entreprises occidentales… alors, allons chez eux pour être en paix.
On est frères, n’est-ce pas ?
Occidentaux, Africains, on a quand même une histoire ! Vous venez chez nous, ça ne dérange personne ou presque. Laissez-nous aussi venir chez vous !
Les échos de l’Occident ces dernières années sont de plus en plus dissuasifs : des embarcations qui chavirent en voulant traverser la Méditerranée ou l’océan Indien, des mesures sécuritaires assez drastiques aux frontières… Ils sont là comme moi, à croire que l’on peut mieux être ici. Mais c’est plus à la mode d’aller ailleurs. Même dans les quartiers, on le voit quand arrive celui qui est allé ailleurs, et qu’on a perdu de vue pendant un temps. Heureusement, chacun finit toujours par reprendre sa place.
Mais il y en a quand même qui tentent d’immigrer. Ils sont le plus souvent découragés par la situation politique et économique de leurs pays. A qui servent nos croissances ? 90% des Congolais à l’âge de travailler seraient sans emploi !
Soutenir le vivable en Afrique
Pour arrêter ce fol élan des jeunes pour une immigration vaille que vaille, l’Occident devrait se rappeler qu’on est quand même frères et qu’on a en commun un passé. Surtout, il s’agit de veiller à ce que la démocratie et la transparence s’installent, un peu comme les Etats-Unis se sont penchés sur l’Europe après la Seconde Guerre mondiale avec le plan Marshall.
Tant que l’Afrique continuera à symboliser la misère, alors on n’arrêtera pas de se rendre au paradis, on nous l’a dit et nous l’avons assimilé. Dommage si celui qui nous l’a dit a menti » a déclaré un jeune qui reste encore déterminé à immigrer. Il attend son opportunité.
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