Industrie des rêves (1re partie)

Article : Industrie des rêves (1re partie)
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17 novembre 2014

Industrie des rêves (1re partie)

Faire comme en Occident, être journaliste comme sur France 24, sur Rfi … voilà en quoi je résume enfin mon observation sur certaines pratiques qui ont cours dans l’audiovisuel en République démocratique du Congo. On parle « comme des blancs », on veut que sa télévision s’affiche « comme France 24 », on copie la programmation des médias étrangers, même si le contenu ne suit pas toujours. Le journaliste rêve et fait rêver et la télévision elle, devient sans conteste, l’industrie des rêves.

Les productions locales en termes de programmes radio ou télé sont moins abondantes et souvent de faible attraction pour les publics. Ce sont des productions de plateau ou de studio. On les retrouve sur toutes les chaînes et à des heures presqu’identiques, et les mêmes jours. A Lubumbashi, par exemple, tous les lundis à 21 h 00, on trouve : Tour d’horizon sur Jua Télévision, Equipe du lundi sur Mwangaza, Sportissimo sur Nyota et Sport MAG sur Kyondo. Dimanche matin, entre 8 heures et 10 heures, c’est le sport sur toutes les radios.

Hormis les sports, les débats politiques et les chroniques musicales, cela recoupe presque tous les médias, les programmes intéressants sont imités ou copiés sur les radios et télévisions étrangères. Dans Tout va bien programme de Mwangaza comme d’ailleurs dans Relaxe infos de Malaika considéré comme une copie du programme de Mwangaza, l’essentiel des rubriques sont des productions étrangères tirées des chaînes de télévisions cryptées ou des sites internet.

Plusieurs responsables des médias audiovisuels sont assurés du désintéressement progressif du public au sujet des contenus des médias locaux. A l’inverse, ils se tournent vers médias étrangers accessibles à faible coût, jusqu’à 2 USD. Ces médias proposent des contenus plus intéressants et de plus en plus concurrentiels. Les journaux sur France 24, France 2, TV5 ou sur Rfi ou BBC… sont très suivis. J’en parle dans mon livre Le numérique, vecteur des mutations culturelles. Regard sur les usages à Lubumbashi qui présente les proportions de cette ouverture des habitants de Lubumbashi aux médias étrangers.

Adam Shemisi -Directeur des informations de la RTVS1.  Ph.Dr.Tiers
Adam Shemisi -Directeur des informations de la RTVS1. Ph.Dr.Tiers

Comme … sur France 24 et sur Rfi

Il faut écouter la radio ou voir se produire sur les plateaux des télévisions, les vedettes des télévisions : présentateurs des journaux, tranches et émissions. Chacun a sa star préférée sur qui il prend modèle dans l’audiovisuel occidental. Et puisqu’il s’agit d’un Congo francophone et surtout Lubumbashi ayant la réputation d’une ville des meilleurs des journalistes congolais, alors on vote pour les médias français. Ceci sous-entend une référence à Laurent Sadou, Sonya Rolley, Alain Foka (journalistes de rfi), pour ce qui est de modèles des reporters ou présentateurs des journaux parlés. Et en télévision, il y a David Pujadas de France 2, Pierrick Leurent de France 24, etc.

« Mesdames et messieurs, il est … heures à Lubumbashi, … heures à Fungurume. L’info, c’est l’heure ! Au sommaire de ce journal… » voilà comment Patrick démarre son journal sur une chaîne locale. Si vous êtes fort branché sur Rfi il y a longtemps, sans doute vous direz « c’est du Laurent Sadou » journaliste de Rfi.

« C’est mon préféré. Je l’écoute depuis plusieurs années. Chaque fois, je me dis : comment forger mon propre style ».

Ils ne sont pas nombreux, ceux qui pensent comme Patrick. Il ne s’est pas forgé la voix du journaliste de Rfi. La pratique courante conduit sans doute à ce qu’un professeur en journalisme appelle « mimétisme aveugle » ou ce qu’un étudiant en droit, Antoine, a appelé « imitation servile ». Il s’agit, dans le contexte lushois et congolais, de manière générale, de reproduire, du moins dans le timbre de la voix et plus ou moins tout le parler de Laurent Sadou ou tout autre journaliste adulé. Mais c’est en télévision où il y a plus d’imitation encore étonnante.

Inadéquation entre forme et contenu des programmes

La conséquence pour cette pratique c’est la propagation de l’idée que le meilleur journalisme se pratique en Occident. Mais ce qui reste drôle c’est de constater surtout que plusieurs journalistes, parmi les présentateurs des journaux télévisés ou parlés (même chose pour les animations et autres émissions), se limitent à l’apparat des vedettes des télévisions de l’Occident. On copie la forme, la gestuelle ou ce qui convient d’être appelé le rituel informatif et pas le contenu des informations ou les principes de travail.

A la fin de tous, nos journaux ont beau ressembler à France 24 ou Rfi dans la présentation. Les contenus restent souvent congolais et parfois pauvres, et de plus en plus de public se détache des audiences de nos télévisions pour l’audiovisuel occidental. Par cette pratique, enfin, passe des rêves… Et puisqu’à défaut du contenu qui devrait suivre la forme, comme sur les bien adorés médias étrangers manque, on copie, on plagie parfois ! C’est la voie balisée aux rêves qui parfois débouchent sur des images irréelles de l’occident ou d’ailleurs.

(…) La suite de ce texte ce 18 novembre 2014.

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Commentaires

Parker Monga
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J'aime bien votre article, la deuxième partie je n'arrive pas à l'avoir, pouvez vous m'indiquez ?

Didier Makal
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Bonjour monsieur. Je suis désolé. Je n'avais plus revu on blog. Voici la seconde partie!
https://lubumbashiinfos.mondoblog.org/2014/11/industrie-reves-suite/