On piège de l’eau à Lubumbashi

Article : On piège de l’eau à Lubumbashi
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8 novembre 2014

On piège de l’eau à Lubumbashi

Lorsque l’eau se fait rare, on la piège dans l’espoir de la retenir durant un temps, lorsqu’elle réapparaît. C’est ce qui se passe à Lubumbashi ce dernier temps. Même le centre-ville n’est pas épargné. La ville est confrontée à une sérieuse pénurie d’eau. Avec sa population qui avoisine 6 millions d’habitants, les infrastructures d’eau restent celles de la technologie et de la démographie des années avant l’indépendance. Elles sont aussi vielles (peut-être plus) que l’indépendance de la République démocratique du Congo.

Ramener de l’eau à la maison relève de la bravoure, un acte héroïque. Il faut parfois se battre pour l’obtenir et surtout, brûler son sommeil, se promener, aller au loin pour en trouver. Inutile de  vous demander de quelle qualité elle est, cette eau. On a besoin, avant tout, de ce qui s’appelle eau. C’est tout. Le luxe ou plutôt la sécurité, c’est pour demain, peut-être. Ici, on veut survivre.

On piège de l’eau…

« On n’a pas d’eau », dit Ida Mafula une vielle dame du quartier Salongo, commune de Katuba à Lubumbashi. « Depuis quand », lui demande une reporter. « Des années, répond-elle. Je ne saurais pas compter. Nous allons chercher de l’eau loin d’ici. On se débrouille comme ça : on va payer de l’eau… 50 FC, parfois 100 FC par bidon. » Il en faut au moins 4 de 20 litres par jour pour sa famille de 8 personnes. Sans doute, cela est insuffisant : 80 litres pour tout  faire : boisson, ménage, toilette, etc.

Lubumbashi-Salongo: Des seaux tendus, en attente de l'eau au robinet. M3 Didier
Lubumbashi-Salongo: Des seaux tendus, en attente de l’eau au robinet. M3 Didier

Dans le même quartier, sur une autre avenue, Pitchou Makusudi (une trentaine)explique :

« En réalité, on n’a pas d’eau ici. Ça coule une fois la semaine, surtout le weekend. On piège de l’eau avec des seaux, comme vous le remarquez là (près du mur de la maison) pour ne rien rater lorsqu’elle coule. Ça va couler peut-être vers le soir jusqu’au lundi matin. Là c’est fini, il faut attendre l’autre weekend. »

Le comble pour cette pratique, piéger de l’eau au robinet le jour où elle devrait couler est qu’on ne sait jamais avec précision quel jour. On attend parfois des jours entiers et les nuits, tout en défiant l’insécurité, dans l’espoir d’effectuer des réserves. Il faut être alors conséquent : payer suffisamment des bidons. Et les plus pratiques et rependus dans la province, ce sont les bidons jaunes qui ont servi avant de contenant d’huile végétale. Au robinet, il y en a qui en apportent des dizaines. Cela vexe ceux qui viennent après, obligés d’attendre et parfois, courant le risque de ne rien ramener puisqu’après un temps, tout devra s’arrêter.

On se piège

Une pratique tout de même dangereuse, puisque les conduites d’eau sont vétustes et trouées à plusieurs endroits. Les premières eaux qui coulent lorsque les quartiers ainsi privés d’eau sont alimentés, sont simplement sales.

Des enfants portant des seaux d'eau à Lubumbashi, Katuba. M3 Didier
Des enfants portant des seaux d’eau à Lubumbashi, Katuba. M3 Didier

« J’ai vu un jour sortir des tuyaux, des matières fécales, explique une jeune fille (…) On a attendu un moment, puis on a continué à puiser. »

« Moi, j’ai vu  un carpeau et de l’eau rouge. C’est souvent lorsqu’il pleut ou après la pluie » ajoute une autre.

Avec la pluie qui revient, des cas pareils vont se multiplier. Cela signifie que les tuyaux passent par des endroits qui sont devenus des décharges publiques, des poubelles ou des fausses septiques où rouillés, ils se crèvent. C’est bien la maternité des épidémies comme le choléra qui a explosé dans la ville, les deux dernières saisons des pluies. Le risque n’a pas disparu, puisque les mêmes conditions demeurent et en commun, elles ont : une eau sale. Et dans une ville où les gens se multiplient et vivent dans des logements parfois indécents et sans toilettes aménagées, le risque est grand.

Pas d’entretien

Les infrastructures de la Regideso, la société étatique qui gère le secteur dans un monopole que plusieurs voudraient voir finir, sont vétustes et à renouveler de fond en comble. Elles sont restées presque les mêmes depuis l’indépendance du pays. Malgré certains travaux de maintenance, mieux de résistance à la destruction inexorable, leur état se détériore.

Un projet de la Banque Mondiale vise à installer des robinets dans plusieurs quartiers de Lubumbashi. L’installation des grandes conduites d’eaux est presque finie au centre de la ville et vers les quartiers à forte démographie. L’eau y coule déjà. A la station de captage de Luano, proche de l’aéroport de Lubumbashi, les travaux continuent.

Malheureusement, pour être connecté au nouveau réseau, il faut débourser 45.000 FC par parcelle, environ 50 USD. Pas très cher en réalité. Mais ceci reste fort inaccessible pour la majorité des citoyens qui restent sans emploi ou, s’ils en ont, dépassent rarement les 90.000 FC, environ 100 USD, pour la plupart.

L’eau des pauvres

Source: rapport MICS 2010, UNICEF
Source: rapport MICS 2010, UNICEF

Le rapport de l’enquête par grappes à indicateurs multiples réalisés conjointement par le ministère du Plan de RDC et l’UNICEF (MICS 2010, le plus récent) indique :

« Dans l’ensemble de la population des ménages de la RDC, deux personnes sur cinq consomment de l’eau de boisson issue d’une source améliorée3. Il y a une disparité importante dans l’accès à l’eau potable entre les zones urbaines et rurales. En effet, seulement un membre des ménages ruraux sur trois (31 pour cent) utilise des sources d’eau de boisson améliorées contre quatre membres des ménages urbains sur cinq (83 pour cent). »

Eau Kolwezi
Source: Rapport PR or Progress? Glencore’s Corporate Responsibility in the Democratic Republic of the Congo

C’est une situation difficile à comprendre dans un pays follement drainé par des cours d’eaux et qui constitue le plus important des bassins hydrologiques du continent. Partout, il y a des cours d’eaux. Et lorsqu’on creuse, à 4 ou 7m de profondeur, il y a de l’eau… mais malgré cela, pas d’eau propre pour les citoyens.

Et comme il faut survivre, il semble que l’eau c’est la vie, on creuse… et on consomme une eau peu recommandable. Dans tous les quartiers de la ville, les gens ont creusé des puits. C’est selon les moyens. Les plus friqués, recourent aux entreprises de forage et les autres eux se débrouillent. Leurs puits sont souvent mal entretenus, exposés écoulements des eaux de pluie et des érosions. Parfois, des tout-petits y perdent la vie en jouant tout autour ou en voulant puiser de l’eau.

Entre août et novembre, avant la tombée des grandes pluies, ces puits s’assèchent. La peine devient encore plus grande lorsque, comme ces dernières semaines à Lubumbashi, des robinets ne donnent aucune goutte d’eau. C’est la situation qui prévaut ces dernières semaines dans capitale du cuivre.

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