Ils ont plus peur des politiques que des terroristes

Article : Ils ont plus peur des politiques que des terroristes
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13 janvier 2015

Ils ont plus peur des politiques que des terroristes

Chacun a sa bête noire. Lorsqu’en Occident la presse tremble de peur devant les menaces des terroristes, dans plusieurs pays d’Afrique, c’est toute autre chose. Les politiques sont parfois plus dangereux pour la liberté d’expression. Il semble que la presse soit aussi devenue leur bête noire.

Ils ont plus peur des politiques que des terroristes
Journalistes congolais. Source: radiookapi.net

Vous êtes simplement aveugle si vous n’avez pas compris que l’Afrique a besoin des libertés, d’une presse libre, c’est-à-dire, qui sait parfois, comme Charlie Hebdo placer des plumes dans des plaies et faire exploser des rires et des colères.

Ils font plus peur que les djihadistes

Je pense à ces rédactions qui par peur non pas des kamikazes bourrés d’explosifs, mais des dirigeants impitoyables, s’interdisent alors jusqu’à appeler par leur nom des politiques. Ils s’enferment dans des épithètes drôles : « Excellence », « honorable », « Son excellence monsieur le chef de l’Etat ». Face aux monstruosités du genre détournements, crimes de sang, mensonges, complicités… les journalistes pensent à la prison ou à « comment va vivre la famille après » s’il venait à mourir. Ils capitulent. Le choix étant souvent clair, la liberté d’expression et la vérité meurent à la place.

Certains politiques font tellement peur et tuent impitoyablement que Reporter sans frontières leur réserve une partie de la Une de son site avec ce titre révélateur : « les Prédateurs ». Ce sont principalement pour l’Afrique, Kagame, Mugabe, Obiang Nguema, Mswati III, Yahya Jammeh. Mais la liste peut s’allonger.

Le silence de certains pays africains ou leur retard à condamner ce qui est arrivé en France traduit bien la confusion dans laquelle ils se trouvent lorsque de partout ou presque, des anonymes ont crié « Je suis Charlie ! »

« Je suis Charlie » est loin d’ici

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Source: www.echos-grandslacs.info

« Je suis Charlie » résonne encore comme une honte pour ce peuple que nous sommes. Quelques semaines avant, Robert Chamwami, journaliste de RTNC, était assassiné par des hommes armés. Aucune information ni sur les mobiles de cet acte ni sur les commanditaires ou auteurs. Pis encore, tout le monde s’est tu ou presque. Il y a une semaine, des journalistes lançaient « une journée sans radio », seule Goma a bougé. Les autres, en commençant par la RTNC, média de Robert Chamwami, ont ignoré cet appel. Un bel exemple de solidarité bien inscrite dans le code d’éthique et de déontologie du journaliste congolais.

Savez-vous pourquoi ? Parce qu’il vaut mieux faire la paix avec les politiques. C’est la seule peur, enfin, la principale que portent les professionnels de la presse ! Ils créent des médias, ils les paient ou les financent, les entretiennent… S’ils le veulent, ils obtiennent le départ des journalistes qui dérangent. Voilà comment RDC ne peut pas être Charlie ! Pourtant, des individus le sont ou aspirent à l’être.

Vers une mondialisation de la lutte pour les libertés

Pas du tout de mimétisme. Ce qui s’est passé autour de l’attaque à Charlie Hebdo rappelle que l’Afrique a besoin d’une expression libre. L’ère de la lutte mondialisée pour les libertés a commencé, j’ignore exactement quand et où. Elle s’est néanmoins manifestée le 12 janvier à Paris.

A un terrorisme en voie de mondialisation, le monde propose ce que j’estime moi, une liberté d’expression mondialisée. L’idée me semble nouvelle et séduisante pour une Afrique particulièrement intéressée par l’attaque contre Charlie Hebdo. Des rassemblements plus ou moins symboliques à Dakar, Bujumbura, Kinshasa soutiennent cette thèse.

Pas de base

La solidarité mondiale manifestée à la France va-t-elle se propager en Afrique ? Je ne suis pas très optimiste. Cette révolution est bâtie sur des idéaux bien entretenus par les Français eux-mêmes, dirigeants et citoyens ordinaires. Surtout ceux-ci. Or en RDC, mieux dans plusieurs pays d’Afrique, descendre dans la rue pour crier « droit » ou « liberté » est une faute grave. Voilà comment, même lorsque des journalistes meurent, la nation tout entière ne peut rien organiser.

Il a fallu que les Français marchent pour que le lendemain, des journalistes se réunissent au tour d’une messe dans une église, pour rendre hommage à Robert Chamwami  et à (surtout) Charlie Hebdo. Il n’y avait pas du tout de monde, en effet ! Est-ce parce que la population ne pactise pas avec la presse ? Pas du tout faux. Certains pensent que les journalistes cachent des vérités. D’où le soutien plutôt faible ou inexistant de la population.

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