Un rêve interdit : « tu ne seras pas journaliste, ma fille! » (Suite)

Article : Un rêve interdit : « tu ne seras pas journaliste, ma fille! » (Suite)
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21 avril 2015

Un rêve interdit : « tu ne seras pas journaliste, ma fille! » (Suite)

Je n’ai pas oublié que ma mère pleura le jour où elle apprit que je devais devenir journaliste. Pour elle, les journalistes sont hommes à abattre. A l’idée que je n’ai pas suivi son ordre, elle est en colère. Le sourire que lui inspire quelqu’un qui lui dit qu’il voit son fils à la télévision ne dure pas et ne constitue que les rares moments où ce fils « sans oreilles » lui donne de frimer un peu. Quelqu’un le lui a appris, elle l’a suivi à la radio, elle l’a vu à la télévision. Sans doute exagéré, mais pas faux. Mais elle ignorait surtout qu’ils sont aussi pauvres et enchaînés, sans voix malgré leurs plumes et micros caméras… « Voilà ce que tu vas devenir », rapporte un confrère têtu, les propos de sa tente. Elle l’enjoint d’abandonner ce métier qui rend pauvre. Elle lui désignait ainsi un « vieux » journaliste qu’il croisa sur sa route, en sa compagnie. Oh, dommage chers aînés qu’on se moque ainsi de vous, de nous !

« Je t’ai déjà dit non, ma petite. Tu seras docteur »

Un enfant au plateau de Kyondo Tv lors d'une visite des élèves en 2014. Photo M3 Didier
Un enfant au plateau de Kyondo Tv lors d’une visite des élèves en 2014. Photo M3 Didier

Voici une année, des élèves du primaire venaient de visiter la chaîne qui m’emploie. « Je serais aussi journaliste », répondaient plusieurs un journaliste qui demandait ce qu’ils préféraient devenir dans la vie. « Tu ne sais pas ce que tu choisis, fiston », répliquait le journaliste, amicalement. Il devait expliquait cette phrase incomprise par le guide des élèves. « Journaliste, pas ici ». Un peu de tout cela : la crainte de ma mère, la tente d’un confrère qui ne veut pas que son neveu finisse pauvre, les regrets des prématurés vieux journalistes, et ce rêve qui est revenu en moi.

Encore à moi, le vieux rêve ! Décidément pas un nouveau rêve ? Je me rappelle enfin, cet autre journaliste, un ami, à la fin d’une émission à laquelle sa fille l’avait accompagné, il y a quelques mois. « Qui préfères-tu devenir dans la vie ? », lui demandais-je. Influencée par la vedette de la télé qu’est son père, présentateur d’un journal télévisé à 20 heures, elle me répondit :

  • Je serai « aussi » journaliste.
  • Je t’ai déjà dit non, ma fille ! Tu seras docteur…, réaction de son père !

Pauvre confrère, mais aussi pauvre fillette ! Mais est-ce si mal que ça, être journaliste au Congo ? Je n’en sais rien. Une chose est sûre : plusieurs ne vivent pas bien, manquent du minimum pour garantir leur dignité. C’est général. Je ne justifie rien ! Pas seulement en danger, ils sont aussi piégés tout comme leur métier. Aussi, les journalistes critiques sont catalogués, désignés comme hommes ou femmes de l’opposition. Et ceux qui ne se l’accordent pas sont soit du pouvoir (ils louent et flattent alors) soit à tenir à l’œil, parce que ni chauds ni froids. C’est simplement un rêve effarant, être journaliste. Mais je ne capitule pas ! Du coup, sans transition, je rêve d’une presse normale, pas pareille à une quelconque mais se référant à l’universellement correct.

Lire la partie I de cet article ici.

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Commentaires

Faustin Mbuyu
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c'est une joie pour nous lorsque nous Jeune nous avons les espaces pour exprimer notre pensée. je suis fière de vous. j'aimerais participer un jour à une émission ou on parle de la jeunesse.