Des footballeurs aux législatives en RDC

Nous sommes footballeurs, nous sommes une alternative . Nous avons compris votre dépit pour la politique. Cette fois, elle va vous plaire la politique. Nous transportons toute la joie des stades de football dans les assemblées. Réjouissons-nous. Quoi? Vous doutez? Que fait-on à l’assemblée comme député ? On dit oui ou non à un projet de loi, selon l’ordre du parti ou du regroupement politique à l’assemblée. Pas si compliqué, inscrivez-moi alors.

Le dépôt des candidatures aux législatives provinciales (en retard de 5 ans !) en RDC, le chrono s’arrête lundi 25 mai à la tombée de la journée. Passé ce délai, affûtez vos armes pour 2020 ! Euh oui, 2020 si jamais de nouvelles élections seront organisées. De 2006 à ce jour (2015), ce n’est qu’un quinquennat !

7 heures 30, le boulot appelle. Sac au dos, « à ce soir maman ». Minute ! C’est le  journal Afrique de RFI. Correspondant à Kinshasa de ce média, Kamanda Muzembe annonce que trois sociétaires « fin carrière » du prestigieux club de football de RDC, le TP Mazembe sont décidés de tenter leurs chances aux législatives ! Hey, belle reconversion professionnelle : dribbler, jongler et même des pénaltys à l’assemblée comme sur la pelouse, pourquoi pas ! On ne cogite pas, après tout. Le libérien Georges Weha candidat à la présidentielle, ça rappelle un tas de choses. Après tout, « tout congolais » a droit d’être ce qu’il veut, soit-il question de présidence de la république !

De la pelouse à l’assemblée

8 heures 30, conférence de rédaction. La ronde de l’actualité, puis l’agenda du jour. On clôture le dépôt des listes électorales. « C’est le dernier jour, ce 25 mai », fait remarquer un journaliste. « Qu’est-ce que tu proposes ? » demande le rédacteur en chef. Robert Kidiaba le célèbre gardien de but du TP Mazembe, etc. sont candidats ! « Peut-on parler du profil du futur député ? », Adopté. Coup de colère d’un journaliste, illico !

• C’est quoi cette histoire ?
• Mais réfléchis bien, c’est leur droit d’être députés, ces footballeurs.
• Oui, mais…
• Mais quoi, cher ami. Ils sont congolais
• Oui, mais un député, ça a quand même des critères
• On s’en fout si la loi elle-même ne limite pas !

Bah ! Pas loin d’une escalade. Dans la cité, à Lubumbashi où Kidiaba est populaire, polémique à certains endroits ce lundi. Mais seulement peu de personnes sont informées. Le débat promet d’être intéressant les jours qui viennent. De la couse derrière le ballon rond sur la pelouse à la course au pouvoir dans une assemblée, ce n’est que courir après tout !  Georges Weha a aspiré même à la présidence du Liberia, même s’il apprenait en même temps que sa popularité du football était différente de celle des élections. Enfin, il a quand même été élu sénateur en 2014. D’autres comme lui, malgré tout ont tenté leurs chances.

Instruction, lucidité ou autre chose…

Mais attention  donc à la discrimination et aux amalgames. Qui a dit qu’un footballeur ne peut pas mieux réfléchir que quiconque ? Kidiaba tout comme ses paires ont droit à tout. Sans doute, le parti qui les aligne a besoin d’engranger les voix, se servir de leur popularité : encore que des voix d’un candidat peuvent être déversées sur le compte d’un autre candidat « de la liste électorale » d’un regroupement ou d’un parti politique ! C’est la loi ! « Ce ne sont pas des diplômes qui manquent à nos politiques pour qu’ils agissent au profit de leurs communautés, de leurs électeurs », habitant de Lubumbashi. Parfois on se moque des grandes études qui n’ont pas permis de changer la RDC. Mais hélas, si eux ont échoué, voyons, ne risque-t-on pas alors de tout gâcher en ouvrant les assemblées sans restrictions ? Que les footballeurs ou simplement les gens que l’on n’attendait pas arrivent bientôt là dans les assemblées, n’est-ce pas un défi et en même temps un reproche aux prétendus intellectuels lucides qui n’ont pas proposé mieux ? Messieurs, vos diplômes n’émeuvent plus personne. De simples gens ont prouvé le contraire, ils sont connus en RDC.

A qui ressemble le député congolais ?

Ce qui étonne ici n’est pas plus le fait qu’un footballeur aspire à la politique que les prétendues « capacités d’agir comme politiques », explique un Parlementaire Debout devant un kiosque à journaux à ciel ouvert ! Tout le monde peut devenir député. La loi est vague, n’ose pas définir le vrai profil du député. Ce n’est d’ailleurs pas le seul domaine où l’on rencontre des confusions. L’enseignement par exemple est trop généraliste dans plusieurs domaines pour prétendre former un type d’homme précis. « Un député, ça doit bouger la tête, les méninges, mes amis », supplie journaliste. La loi électorale se contente de fixer l’âge, insister sur le casier judiciaire des candidats. « Il faut un diplôme d’Etat » sanctionnant la fin des études secondaires. Mais quelle importance, puisque tout peut se vendre, on peut décrocher une licence dans un cybercafé en lieu et place des universités. Rien à faire, la loi est vague, mais c’est la loi ! Des députés dorment durant des plénières à l’assemblée au lieu de contribuer aux débats. Pour des citoyens ordinaires, à l’assemblée on vote, on dit oui ou non à une question. Surtout, ce sont les regroupements politiques qui donnent des consignes de votes. Et le reste du boulot est accompli par des commissions. « Ce sont les commissions qui travaillent à leur place. Voilà comment c’est vraiment facile d’être député » explique un journaliste.