Equité pour les vendeurs ambulants à Lubumbashi

Article : Equité pour les vendeurs ambulants à Lubumbashi
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29 juin 2015

Equité pour les vendeurs ambulants à Lubumbashi

Dans cette grande ville de RDC, les vendeurs ambulants sont les victimes d’une véritable traque, tant de la part des autorités que des civils…

Les vendeurs ambulants sont traqués depuis près d’une semaine à Lubumbashi, accusés de salir la ville. Surtout, les vendeurs réguliers veulent qu’on les en débarrasse, parce qu’ils leur arrachent la clientèle. Peu importe qu’ils perdent des marchandises ou que leurs familles crèvent de faim.

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Une vendeuse de légumes avec son client au marché Mzee, Lubumbashi. | Capture d’écran, M3 Didier, 2015

Jeudi 25 juin, à 17 heures, un groupe de femmes accompagnées des enfants présentés comme des veuves et orphelins des militaires du camp Vangu, un camp jouxtant le centre-ville de Lubumbashi, descendent dans la rue pour manifester. Ils vont dénoncer au gouverneur une traque impitoyable des vendeurs ambulants par les policiers et les civils. Des cas des violences ont été aussi rapportés. « Tout ce que j’avais pour nourrir ma famille a été pris », explique une femme. Les marchandises arrachées n’arrivent pourtant pas au commissariat de police.

Ces vendeurs ambulants ne paient ni taxe ni impôt, mais s’ils sont là, c’est surtout parce qu’ils versent une forte somme d’argent à des responsables qui ne remettent pas de reçu de perception. Leurs activités gênent sans doute le marché régulier, dans cette ville où tout le monde se veut pressé : payer papiers de toilette, riz et sucre évite parfois de faire la queue dans les magasins. Mais il semble aussi que ces vendeurs s’adressent à un public très précis, qui leur ressemble économiquement parlant. Pas de véritable pouvoir d’achat, pas non plus de capitaux suffisants pour leurs activités. C’est pourquoi ils occupent les arrêts de bus et les abords des églises, et c’est aux heures de grande circulation. Pas de mauvais marketeurs, en effet ! Mais voilà qu’un jour après la marche des veuves et orphelins, les vendeurs réguliers ont eux aussi suivi la route des ambulants, jusqu’aux mêmes autorités. Ils leurs demandent de les débarrasser de ces vendeurs que l’on traque.

Insouciance

A Lubumbashi, malgré le nombre des églises, c’est le chacun pour soi, Dieu celui qui y croit. Pas du tout de compassion, et la solidarité, en effet. C’est probablement parce que chacun essaie de survivre selon sa méthode. Seulement, la méthode des vendeurs ambulants, personne n’en veut ! Un bourgmestre demande à ces vendeurs dits aussi « à la sauvette » d’entrer au marcher et y occuper des étalages. Mais voyons, avec un capital qui n’atteint pas 30 dollars ? En plus, qui dit vendeur à la sauvette ou ambulant dit qu’ils vont chercher les acheteurs où ils sont. Les sédentaires eux, n’ont qu’à concevoir de nouvelles méthodes au lieu de pleurnicher.

Lubumbashi: Un écolier achetant du manioc. M3 Didier
Lubumbashi: Un écolier achetant du manioc. M3 Didier

Ils salissent la ville ? Mais les services de nettoyage laissent pourrir et déborder les poubelles publiques sans les évacuer, comme s’ils attendaient que la ville ne se salisse jamais pour ne passer qu’une fois la semaine. En plus, la mairie et les bureaux communaux ne peuvent pas être désignés comme références en matière de la salubrité. Bien au contraire !

L’emploi pour concilier

« On peut bien les traquer, parce qu’il faut que la ville soit propre. Mais il faut trouver un moyen d’encadrer ces vendeurs. » Il ajoute qu’il faut surtout « créer des conditions qui favorisent la création des richesses », les emplois par exemple. Bon, ça c’est à enseigner à l’Université.  On se contente de la courte vision du phénomène qui n’évite pas de stigmatiser des personnes et des communautés. Il est répandu, parmi les habitants de Lubumbashi, que nombre de ces vendeurs ambulants viennent d’ailleurs. Ceci expliquant cela !

Je ne conçois pourtant pas que des villes deviennent des marchés à ciel ouvert. Mais pourquoi ne pas définir des endroits, des avenues, des jours et des heures pour occuper ces personnes ? De cette manière, les perceptions issues de ces vendeurs pourront enfin entrer dans le trésor public et on n’aura pas importuné ceux qui essaient de survivre. On les chasse depuis 2000, en effet, et depuis cette année pourtant, ils n’arrêtent de croître. Ça ne fait pas réfléchir ?


Trois Lubumbashi non conciliés

Une vendeuse de manioc (en tranche grillées) devant à Lubumbashi. | Capture d'écran, M3 Didier, février 2015
Une vendeuse de manioc (en tranche grillées) devant à Lubumbashi. | Capture d’écran, M3 Didier, février 2015

Voilà enfin l’image d’une ville qui se veut accueillante et wantanshi, c’est˗à˗dire, la première. En 2006, le boom minier invite au Katanga tous ceux qui ont lu la constitution et qui ont compris qu’elle ne les oblige pas à rester dans leurs provinces en train de galérer. Ils arrivent des régions rurales du Katanga, la plus riche région minière de RDC, mais aussi des provinces voisines et de Kinshasa. Par rapport à d’autres provinces, c’est le lieu où des emplois sont offerts, inutile de savoir à quelle échelle ! Lubumbashi est alors la principale destination ; sa population atteint vite quelques 6 millions d’habitants. Forte démographie, mais hélas, moins d’emploi ou pas du tout. Alors, bonjour pauvreté et paupérisation des familles. C’est Lubumbashi Première version, majoritaire.

Mais c’est avant tout cette ville des originaires, refusant jadis de descendre dans les mines pour creuser, et qui vont chercher, la faim au ventre, les travaux qu’ils refusaient mais dorénavant pris par les immigrés ouverts à « tous travaux« . Voilà pourquoi, entre congolais, on peut se détester, se traiter d’étranger, et s’inviter à rentrer chez soi. Pourtant, les deux ont en commun l’article 15 : le « débrouillez-vous« , la règle de vie ou de mort. C’est Lubumbashi II, sans trop d’amitié pour la version I. La ville des vendeurs ambulants, la majorité, selon toute vraisemblance.

Enfin, Lubumbashi III, la ville des puissants, des riches, des salariés et des donneurs d’emploi. Sans doute, dans cette ville se trouvent des intellectuels, des sociologues par exemple, qui militent en faveur de l’équité, mais qu’y peuvent-ils eux qui n’agissent que lorsqu’ils sont invités ? On vit maintenant, à l’instantané. Curieusement, même l’audiovisuel ne facilite pas de changer de regard en répétant sans recul, les discours simplistes des officiels.

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