Du salut au drapeau à l’ancienne citoyenneté !

Article : Du salut au drapeau à l’ancienne citoyenneté !
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10 septembre 2015

Du salut au drapeau à l’ancienne citoyenneté !

Comme dans le bon vieux temps, le salut au drapeau a bel et bien été repris en République démocratique du Congo depuis le 7 septembre. Certaines personnes redoutent des déviations, un retour à « l’ancienne citoyenneté ».

Après une interview, un activiste de la société civile m’interpelle :

Par la "Nouvelle citoyenneté", Kinshasa espère apprendre "les valeurs républicaines" dès l'école primaire
Salut au drapeau au Lycée Tuendelee (Lubumbashi) avant le début des cours, le 7 septembre 2015. | Capture d’écran

La peur du défenseur des droits humains tient au fait que la matière de la causerie morale devant accompagner journellement le salut au drapeau n’est pas délimitée.

Pas de contenu soutenu autour du salut au drapeau en RDC

La causerie morale n’est pas de la nature d’un cours. Un manuel de référence devrait arriver prochainement, selon un responsable d’école. En attendant, soyez créatif !

« On nous a demandé de préparer des thèmes sur le civisme, le patriotisme pour la promotion des valeurs républicaines », explique un préfet d’école.

En l’absence du réel, ce préfet crée un drapeau imaginaire. Tous le saluent. « Nous n’avons pas encore payé le drapeau, mais en attendant, chaque matin, nous saluons le drapeau même s’il n’est pas là. » En plus, le sermon ne distingue pas les âges des élèves. Même matière, pour tous. Un politique prévient que les déviations ne vont pas tarder.

« Chacun peut l’orienter comme il l’entend. Le risque c’est d’arriver à une situation telle qu’un responsable d’école appelle les élèves à soutenir ou ne pas soutenir tel ou tel acteur politique. »

Du neuf avec du vieux

On n’oubliera pas la danse à l’honneur de Mobutu autour du drapeau. De la Zaïrianisation jusqu’au 30 janvier 1990. On lui reconnaît le mérite d’avoir réunifié le pays et suscité un élan de patriotisme. Bon, ce patriotisme souffre des critiques chez certains qui le perçoivent comme un outil au service de la dictature.

Pour asseoir la nouvelle citoyenneté, opposée à une ancienne citoyenneté difficilement distinguée[1], Kinshasa recourt donc à cette pratique qui déifia le maréchal du Zaïre. Un patriote, c’était celui qui pouvait mourir pour son chef, pas forcément pour son pays. Le chef lui, ne pouvant mourir pour personne.

On peut craindre des déviations et une rechute dans ce salut au drapeau. Les plus zélés voudront plaire aux dirigeants. La flatterie est à son comble en RDC. D’autres encore se saisiront de la tribune pour faire répandre leurs critiques. Et la guerre à l’école pourra commencer. Alors on pourra dire adieu à la dépolitisation des écoles tombée pourtant fin janvier 1990.

Une action désespérée

Pas une politique publique, pas du tout une action spontanée, le salut au drapeau est une tentative de reprendre le contrôle des opinions congolaises. Extraverties et généralement négatives sur l’action des dirigeants, depuis le désenchantement du règne de Mobutu (Zaïrianisation : 1977). Les décisionnaires pensent que sermonner les enfants, prétendument « malléables », portera de bons résultats. ­–Mais attention, l’école ne forme pas pour changer l’homme et ses habitudes !– A quoi servent les cours de morale et de civisme ?

L’échec de modification de la Constitution en janvier 2015 s’entend comme une absence de ce que Mobutu appelait « complicité Mobutu et son peuple ». Si au Rwanda Paul Kagame aura sans trop de remous son 3e mandat interdit, c’est peut-être parce qu’il contrôle les opinions intérieures. L’idée peut se montrer alléchante.

La citoyenneté s’apprend par des exemples

Pas de citoyen miracle ! La citoyenneté exemplaire se nourrit des exemples au quotidien. Des actions. Les discours portent moins si non, grâce aux églises, le paradis aurait déjà recourt la terre. Tel père, tel fils. Rien ne rassure que le citoyen (né de na nouvelle citoyenneté) sera réellement nouveau. Puisqu’en même temps, l’ancien demeure et ne modifie rien du tout.

J’ai été consterné de suivre un jour, dans « Parole aux enfants », sur Radio Okapi, des enfants de 8 à 10 ans arguer que « les congolais », des politiques, n’aimaient pas leur pays.

Jeter un ministre, un haut fonctionnaire en prison, comme l’a fait Laurent-Désiré Kabila, permettra de rappeler aux nouveaux et aux anciens citoyens, que voler, corrompre, mentir c’est mauvais. Ce n’est donc pas que le cours de morale ou de civisme ait disparu des programmes scolaires. Le problème, c’est la véracité de ce que l’on enseigne.

[1] Pas de matière pour la causerie morale. Sous le Zaïre par exemple, le manifeste de la N’sele servait de Bible. Et la doctrine était circonscrite. Le contexte ne permet pas au pouvoir de reproduire pareil schéma. Ce serait risqué.

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