L’école parmi les déplacés de guerre au Katanga

Article : L’école parmi les déplacés de guerre au Katanga
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21 septembre 2015

L’école parmi les déplacés de guerre au Katanga

Les déplacés de guerre. Aviez-vous déjà pensé à l’école ? C’est pourtant ce qui arrive souvent, lorsque, comme au nord du Katanga, au Triangle de la mort, des populations fuyant l’insécurité pensent à l’école. Seulement, pour que cette école attire, il faut qu’elle chasse la faim. Ventre creux, pas d’intelligence !

Lorsqu’on vit dans un triangle de la mort, où la faim et les maladies sont le lot des enfants, l’école n’attire pas. Et, lorsqu’un humanitaire dit école, il a obligation de pragmatisme. Sinon, on l’enverra se balader. Unicef, un bel exemple.

Ocha a recencé plus de 500.000 déplacés dans le triangle de la mort
Un village incendié à Pweto dans le Katanga (2013). Source: JL Mbalivoto, Ocha

De la nourriture pour aller à l’école

Vous l’aurez compris, la fréquentation scolaire constitue un défi majeur dans cette zone. Pour que l’école tienne, les humanitaires fédèrent les énergies. A celui qui relance l’enseignement (Unicef), se joignent ceux qui nourrissent (FAO, PAM) et soignent (MSF). Au total, ce sont 170 écoles qui bénéficient de la cantine scolaire au triangle de la mort, en vue d’encourager la fréquentation scolaire.

On peut manger à l’école ! Courez, donc tous les affamés et malnutris ! Les voilà nombreux dans des classes. Mado, employée à FAO, expliquant une photo exposée lors d’un café de presse humanitaire le 19 septembre à Lubumbashi, rapporte ces propos d’un responsable d’école à Mitwaba : « La fréquentation scolaire a réussi à 90 % ». Et l’humanitaire de continuer :

« L’école est devenue attrayante. Les élèves (du primaire) mangent deux fois la journée, à l’école. Ils étudient jusqu’à midi. Ils mangent. Les cours reprennent à 13 heures et s’arrêtent vers 16 heures.  Là encore ils mangent. Ce programme a amélioré considérablement les performances scolaires des élèves. »

La cantine scolaire attire beaucoup d'élèves dans le nord du Katanga, au primaire
Des élèves reçoivent leur nourriture à Kylo, Katanga

Pas de cantine scolaire au secondaire

Au secondaire, le concept pourrait faire des émules. Pourquoi pas ? Tout le monde est déplacé. Et la sous-alimentation impacte même les adultes. A Mitwaba, par exemple, les derniers examens d’Etat (bac) n’ont pas été fameux. Beaucoup ont échoué. Mado pense que si l’on nourrissait aussi les finalistes, en préparation des examens d’Etat, les choses pourraient s’améliorer.

Si aucune relation directe ne peut être établie entre ces échecs » et la nutrition des finalistes, Mado pense qu’ils devraient avoir une alimentation insuffisante. Pas moyen de bien se concentrer aux examens, pour ces élèves déplacés ou menacés par la faim qui rode dans la région. Mais hélas, la FAO nourrit les élèves du primaire seulement. Et cela ne devrait pas trop durer.

L’école, déplacée de guerre

Tiens ! Des élèves, mais en dehors du circuit scolaire ? Au Triangle de la mort[1], c’est possible. D’après le Bureau de coordination des affaires humanitaires, OCHA, plus de 300.000 personnes vivent encore loin de leurs villages. Les enfants en constituent la moitié. Parmi eux, 44.000 suivent des programmes de rattrapage organisés par l’Unicef, dans des classes parfois allant jusqu’à l’ombre d’un arbre, où l’initiative est signée, les communautés locales.

Le triangle de la mort dans le Katanga (Pweto, Mitwaba, Manono)
Capture d’écran. Source: OCHA

Quand les Bakata Katanga, milice du chef de guerre Gédéon Kyungu[2] arrivent au village, parents, élèves et enseignants vident le camp. Des écoles sont parfois brûlées. L’école se déplace. Les conflits entre Pygmées et Baluba, d’après la précision des humanitaires, déplacent eux aussi des populations. Et les catastrophes naturelles s’en mêlent.

[1]Le conflit à l’origine de cette insécurité, s’est étendu aux territoires de Malemba Nkulu et de Nyunzu. On a tenté de changer le triangle en polygone de la mort. Mais le premier s’impose encore dans le langage.

[2] Capturé et condamné par la Cour militaire, Gédéon est sorti de la prison de Kassapa (Lubumbashi) de façon spectaculaire, en pleine journée en 2011 se réfugiant dans le nord de la province. Depuis, les Bakata Katanga, sa milice, ont mené des incursions dans des villages, provoquant le déplacement de plus de 500.000 personnes. L’ONU a parlé d’un conflit oublié. Mais depuis, peu d’avancement. Même si ce dernier temps, les humanitaires parlent d’une accalmie sur le plan sécuritaire.

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Commentaires

Anne-Marie Makombo
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"L’école parmi les déplacés de guerre au Katanga", votre article m'a tellement plu, que j'aimerai le publier dans mon blog avec quelques commentaires.

Didier Makal
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Merci pour votre commentaire. Vous pouvez réutiliser l'article. Pas de problème.