Des pasteurs créateurs d’enfants sorciers

Article : Des pasteurs créateurs d’enfants sorciers
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24 janvier 2016

Des pasteurs créateurs d’enfants sorciers

Jack, un garçon de six ans, est accusé de sorcellerie à Katuba, une commune populaire de Lubumbashi, parce qu’il a été surpris en train de parler alors qu’il consommait saintement son sommeil. Pauvre enfant! Devant et parmi ses amis : gifles, menaces, railleries et humiliations…  Au bout de ce traitement, inhumain pour son âge, l’enfant finit par avouer qu’il est sorcier! Simplement parce qu’il parle dans son sommeil, phénomène humain auquel les adultes sont sujets, sans qu’ils soient sorciers pour autant !

Jack n’est pas somnambule, a priori. Il faut le voir. Il n’est pas en très bonne santé, et, comme les autres enfants de sa famille, il n’est visiblement pas bien nourri. Ce qui explique le squelette couvert de peau sèche sur lequel il se tient. Ses parents sont séparés, divorcés : la mère vit au fond de l’ex-province du Katanga, le père à Lubumbashi, sans l’enfant. Il ne s’en préoccupe pas du tout. L’enfant vit grâce à ce qui s’apparente à de la gentillesse de la part de sa tante et de son mari, qui ont accepté de le recevoir. Mais pour combien de temps ? Ce que vit l’enfant n’est ni gentillesse ni charité. C’est de la torture, pour le seul tort d’être né des parents ayant divorcé, et l’ayant oublié.IMAG0115

Lorsque la pauvreté engendre tous les maux

La famille d’accueil du petit Jack n’a pas assez pour vivre. Avec son physique minable et famélique, l’enfant étranger semble être la première victime de ce manque de ressources. Un repas par jour pour tous, c’est déjà beaucoup dans sa famille, comme pour plusieurs autres à Lubumbashi. Outre le manque de paix intérieure et physique, Jack est-il toujours nourri avec la même part que les autres ?

Les pasteurs se mêlent du phénomène des enfant sorciers

Il y a cependant une « gentillesse » dont le petit Jack bénéficie aux yeux de ses nouveaux parents : l’amener chez un pasteur pour un exorcisme. Par malheur, l’homme de Dieu impose à l’enfant – déjà souffrant de malnutrition – de jeûner pour expulser de son ventre et de sa tête les démons qui s’y sont incrustés. Le brave va jusqu’à fondre la cire d’une bougie sur la peau asséchée qui couvre les os de l’enfant. Jack porte ces brûlures, qui le marginalisent d’autant plus. Ainsi traumatisé, ses nuits deviennent bouillantes de plus belle. Et la torture reprend. L’enfant verse dans des affabulations, par peur de représailles et espérant se sauver par des aveux : il raconte ses voyages nocturnes.

Je connais l’Afrique, je crois en ses forces diurnes et nocturnes. Je vis au grand jour, et la nuit, je dors comme un enfant. Comme d’autres, j’entends les petits et les grands parler dans leur sommeil. Certains essaient même de jouer. A la différence de Jack, personne ne les suspecte. C’est normal. Je sais aussi que la nuit fait peur. Mais je sais surtout que c’est parce que nos maisons et nos parcelles ne sont pas éclairées : nous dormons dans le noir. Et dans ce noir africain, il y a plus de peur que de mal. Les sorciers existent, ils s’incarnent parfois dans les enfants et les envoûtent, c’est possible. Mais que parler dans un sommeil soit signe de sorcellerie, c’est une aberration. D’autant plus venant d’un pasteur !

Des enfants en train de casser des pierres dans une carrière minière à Kipushi | Capture d'écran, le 15.07.2015
Des enfants en train de casser des pierres dans une carrière minière à Kipushi | Capture d’écran, le 15.07.2015

Des pasteurs créateurs d’enfants sorciers

Ce qui reste difficile à comprendre, c’est que très souvent, les enfants sorciers existent soit dans les maisons aux bourses menues, soit sans ressources. Et pourquoi, seuls (ou surtout) les enfants d’autres seraient-ils sorciers ? « Regarde-moi ce squelette couvert de peau, c’est comme s’il ne mangeait pas ! » insulte la maîtresse de la maison de Jack. Mais pauvre d’elle ! Elle ne prend pas le temps de penser au fait que son regard méchant et gauche est le seul vampire qui suce le sang du petit Jack.

Ils sont nombreux les Jack et les parents à Lubumbashi. Les derniers amènent les premiers à l’église, chez des pasteurs qui ne prophétisent que le malheur et ne voient jamais la malnutrition et le manque d’affection dont souffrent ces accusés de sorcellerie. Ils ne voient jamais les véritables sorciers. Morbleu ! Qui vous a établi pasteurs, pauvres escrocs affairistes que vous êtes ? Si nos pasteurs apprenaient un peu de psychologie et de sociologie, on parlerait moins de sorcellerie. Ce sont eux les vrais sorciers, ces menteurs jetant un mauvais sort aux enfants !

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Commentaires

Emmanuel Leu T.
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Le comble dans l'histoire est que ces fameux pasteurs n'ont le pouvoir que de détecter la sorcelerie chez ces enfants tel un appareil de mesure sans pouvoir de réparer le mal et enfin de compte voilà la rue remplie des pauvres enfants sans défence délaisser par de géniteur irrésponsable et un Etat qui ne fait rien. Dommage.

Didier Makal
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Merci Emma. Je crois que vous avez raison. le pouvoir public devrait s'occuper de la formation drs pasteurs. ils ont une grande influence sur leurs fidèles. quel dommage s'ils protestent sans formation!

Kany
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Oh c'est triste, pauvre enfants !

Didier Makal
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Triste, en effet. merci d'être passé par ici

charles Muyumba
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Si l'enfant est sorcier, donc il y a un adulte qui l'aurait initié a cette pratique ! nocive