Une nuit à Addis-Abeba
Au bout de quatre heures de vol, j’arrive dans la capitale de l’Afrique. La nuit est tombée sur Addis-Abeba.
J’ai bricolé mon anglais scolaire de Lubumbashi, j’ai fait rire, je me suis fait comprendre quand même. Aussi, je n’ai pas oublié, avec une bonne dose d’orgueil, d’exploser quelques mots de mon français, pour punir ces anglophones qui me donnent l’air d’ignorer ma langue. C’est simple : rendre la pareille, amicalement !
Au bout de deux heures d’attente et de contrôles à l’aéroport, j’arrive à l’hôtel. Une minute, je prends de l’air avant de me coucher. Arrive un gentil gars qui alterne, non sans peine, anglais et français. « Salut! »
Bilingue et francophile, en terre Ethiopienne, mon compagnon est sans doute un connaisseur, dans tous les sens du terme.
- Pourquoi un si jeune et beau gars devrait-il s’engouffrer dans cet, aussitôt arrivé, comme s’il était sous un régime de surveillance s’un magistrat? m’interpelle-t-il, tout sourire et serviable. C’est entre potes, en effet !
- Viens, je te montre Addis ! poursuit-il.
De jolies nanans d’Addis-Abeba
Le compagnon me propose de faire un tour, d’aller voir « de belles nanans de la capitale africaine. » Sous un ton péremptoire, il soutient que « tout est beau ». Ça en a l’air, Addis-Abeba, en effet. A l’aéroport, et sur ma trajectoire, je ne me rappelle pas en avoir vu une qui soit défavorisée par la nature. Je veux dire, alertante par sa laideur ! Même la moins coquette, en effet, s’arrange pour briller. Finalement, ça semble la règle de la profession ou du moins, du recrutement à leurs postes.
De jolies nanans ! Mais ne soyons pas naïfs, c’est dans un aéroport international, dans une capitale qui savoure le prestige d’être la capitale de l’Afrique (siège de l’Union africaine). Ce sont des hôtesses. Inutile que je le dise ainsi à mon compagnon ! Où allions-nous trouver ces belles d’office offertes?
On se sépare donc, et l’ami ne peut compter sur moi pour le tour en taxi, « à dix dollars US seulement. » A dix dollars ou à n’importe quelle gratuité ou gentillesse, je n’allais offrir ma soirée de passager.
Et cet esprit nocturne qui hante
Mais une fois rentré dans l’hôtel, l’esprit du francophile éthiopien me poursuit. Pourquoi, diable, s’est-il mis sur ma route ! Je m’entretiens avec une femme à la réception pour mon repas, une jolie créature me lorgne, et lorsque je la croise des yeux, elle me couvre d’un puissant regard possessif. Ce regard-là qui vous électrocute et vous fait oublier votre chemin. Elle a eu ce sourire qui ne ment pas qu’elle invite à discuter… Bientôt elle salue, invite à parler… La belle passe et repasse, puis, descendant un escalier, me fait signe de la suivre.
- Vous voyez? Elle ne vous plaît pas? demande discrètement un concierge.
- Je ne veux pas de ça.
Ma faim, en effet, n’était nullement une affaire d’homme et de femme. Il me fallait du pain et de l’eau avant de dormir.
J’ai pensé à ma grand-mère scandalisée, la première fois de sa vie, d’entendre son petit-fils lui raconter, sans vergogne, qu’il avait dormi à l’hôtel durant son voyage. Oui, ils sont nombreux comme elle, les congolais pour qui hôtel veut dire pandémonium. Mais c’en n’était pas le cas à Addis-Abeba.
Infortuné voyageur, voilà que la belle a resurgi dans ma tête, au beau milieu de la nuit d’Addis-Abeba. J’ai pensé aussi au connaisseur francophile. Puis, après avoir prié et longtemps écrit ce billet, je me suis retrouvé sur les ailes de l’ange du sommeil. Une voix féminine me parlait au bout du fil, de la réception : la nuit était passée, le déjeuner était servi, et un bus arrivait nous prendre pour l’aéroport. Cette voix n’était pas celle d’un esprit, ce n’était pas une voix possessive. Elle était simple, gentille, celle que j’entendais à mon arrivée à l’hôtel.
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