RDC : que valent vos diplômes ?

Article : RDC : que valent vos diplômes ?
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RDC
30 mai 2016

RDC : que valent vos diplômes ?

Les congolais célèbrent trop les diplômes au point qu’ils en deviennent presque aveugles et ne voient pas l’essentiel. Ah, l’essentiel ! N’est-ce pas de gagner beaucoup d’argent, de recevoir de gros salaires, conformément à ses diplômes ? Alors, au diable « l’essentiel invisible pour les yeux » d’Antoine de Saint Exupéry ! Ici, on vise le visible et lui seul.

A quoi servent les universités en République démocratique du Congo ? Dans le contexte où le diplôme est mystique et source de gros salaires, la réponse est : les universités servent à décerner des diplômes, point, barre ! Peu y vont pour apprendre, pour connaître d’abord, et jouir du savoir ensuite.

Bienvenue au chômage

Le jour où j’obtenais mon diplôme de licence, en 2013, un caricaturiste d’une télévision célèbre de Lubumbashi affichait pour nous accueillir un message que je n’ai compris que plus tard, on pouvait lire : « bienvenus dans le monde du chômage ! »

Les universités et les institutions d’enseignement supérieur accueillent chaque année des milliers de nouveaux étudiants diplômés du secondaire. En réalité, nombre de ces étudiants n’ont pas les capacités requises pour ce genre d’études. En fait on va aussi à l’université parce que ça honore la famille. Si on était sérieux, nombreux sont ceux qui devraient être orientés dans des métiers où ils brilleraient. Malheureusement l’orientation scolaire a cessé d’exister peu après le départ du colonisateur belge. Aujourd’hui le diplôme est à obtenir coûte que coûte, tous les moyens sont bons. Le diplôme est devenu une fin en soi. Oui, ici lorsqu’il faut gagner sa vie, la fin justifie les moyens.

Des finalistes du secondaire dans une école de Lubumbashi
Des finalistes du secondaire dans une école de Lubumbashi

Des diplômés qui n’ont pas appris

Malgré les diplômes de l’enseignement supérieur qui circulent en RDC, le pays n’est pas sorti de l’auberge ! Au contraire, le pays semble être actuellement à une époque bien inférieure comparée par exemple à l’époque de Kasavubu et Lubumbashi, président et premier ministre de RDC, qui pourtant n’avaient jamais obtenu de licence ni de doctorat. Quelle honte ! On peut bien accuser les enseignants, mais quelle est la responsabilité des parents et des apprenants eux-mêmes ? Des étudiants qui, de toute leur formation, n’ont lu de livres que le jour où il fallait rédiger leur mémoire et qui, tout de suite après, vont cacher sous leurs valises !

Une chose est sûre, le culte du diplôme a cessé de garantir la qualité des diplômés. Conscients de leurs limites, des chefs de services publics voire même des hauts responsables des services publics ou encore des ministres, se retrouvent à surcharger leurs secrétaires, devenus des bêtes de somme, des hommes et des femmes à tout faire. Mais pour quel salaire ? Selon le dramaturge Yvon Mwanza « Lorsqu’il faut travailler, c’est bon. Lorsqu’il faut rémunérer les travailler, c’est la guerre ».

Des diplômes de la honte

L’ennui c’est qu’ayant compris que compter sur des diplômes engendre plus de salaires que de bons résultats, des chefs d’entreprises ont décidés de recourir uniquement aux travailleurs à tout faire. Pour assurer la qualité, ils comptent alors sur quelques spécialistes dont les compétences ne souffrent pas de critiques. C’est sans gêne que ces chefs d’entreprises privées déclarent sous un ton péremptoire, « papa, votre diplôme-là, mettez-le au frigo », explique un jeune qui a protesté qu’on lui demande de balayer, sa tâche d’employer temporaire (journalier).

Source: fr.freepik.com
Source: fr.freepik.com

Alors que font les diplômés ? On a beau les accuser de cumuler et d’aggraver le chômage… mais ils n’ont jamais demandé à personne de mal étudier ou de mal s’orienter ! Ils se débrouillent, comme c’est la règle en RDC. Débrouillez-vous, article 15 !

Voilà comment le culte de diplômes en RDC a fini par ériger des murs devant la jeunesse. Au lieu d’apprendre à leurs enfants à bien connaître pour pouvoir produire, même en étant employés, en RDC les parents envoient leurs enfants obtenir des diplômes sans savoir ce qu’ils vont en faire.

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Commentaires

Jean-Chrysostome Tshibanda
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C'est bien, les études, pour ce qu'on veut être, mais c'est mieux pour ce qu'on peut faire. Le plus beau diplôme, restant dans un tiroir, faute d'un bon emploi, ressemble à un miroir.

Fidèle BWIRHONDE
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Bel article, Bravo pour la réflexion !
En fait, l'autre problème c'est que nous obtenons plus de diplômes que nous les méritons car nous passons plusieurs années aux cours que des années de cours, et les conséquences sont notamment celles qu'évoque votre article. Nous sommes dans un bon pays, une mauvaise politique.
Mais au fait, la 2ème phrase de ce sous-titre: "Des diplômés comme n’ayant pas appris", me semble incomplète!
Au plaisir de nous relire!

Didier Makal
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Ouais! Merci cher Fidèle

Serge
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Il va falloir que tu arrête d'écrire des articles aussi justes , heim. :)

Didier Makal
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Ahaha merci cher Serge :)

Mack Makangila
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Article impréssionnant, combien vous ont lu depuis sa publication?...ceci est indéniablement une preuve de ce que vous dénoncer.

Benjamin Yobouet
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Très belle analyse très cher Didier, c'est dommage que le diplôme a pris le dessus sur notre parcours professionnel. Oui ,c'est le diplôme qui justifie ou qui est le fruit de nos études mais faut-il avoir une idée arrêtée?

Il y a quelques années je discutais toujours avec un mai de classe en licence de journalisme. Lui était accro aux notes, moyennes. Je lui disais mon ami les notes et moyennes, c'est bon mais ce qui compte c'est ton expérience personnelle, ta compétence. Lorsque tu as peut-être 17 ou 18 à un module es tu sûr de l'avoir compris? Es tu sûr de mériter.

Les diplômes nous sortirons tous de cette école avec mais l'expérience ou la compétence reste personnel. Diplôme = collectif - Compétence = personnel.

Voici ma petite contribution bien à toi !

kankanmoussa
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C'est le fléau de notre génération ces diplômes en trompe l'oeil qu'on présente pour cacher la misère ambiante et toutes les carences de notre formation