Sexualité quand tu pièges des Africains

Article : Sexualité quand tu pièges des Africains
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30 juin 2016

Sexualité quand tu pièges des Africains

Parlez-vous de sexualité à la maison ? Chez-nous, jamais ! J’ai rencontré des jeunes voyeurs dans un quartier périphérique de Lubumbashi, au cours d’une promenade : cela m’a rappelé plein d’histoires. Une d’elles ennuie les jeunes enroulés dans les tabous.

Un jour, je me retrouve à Kalamba, puis à Musumba, des villages célèbres perdus dans l’ex-province du Katanga, à environ 1000 km de Lubumbashi. Malgré mes 24 ans d’alors, la contrée me trouve trop vieux pour demeurer célibataire, d’autant plus que je ne perds pas de vue en tant que jeune enseignant, de français en plus !

Sans loisir, on joue avec le sexe ?

Comprenez-vous déjà quelque chose sur ce qui se passe entre filles et garçons ? Le sexe, on ne joue pas avec. Ça, c’est la bible de coutume qui le dit, hein ! D’ailleurs, on ne parle pas de sexe. Mais dans ce monde, loin de la ville, sans cinéma, sans télévision (il y en a une depuis près de 3 ans !) et sans vrai loisir, que pensez-vous que font les jeunes lorsqu’ils se retrouvent dans un coin perdu ? Ah !

Beauté et nature africaines vue par Jeff Kitenge
Beauté et nature africaines vue par Jeff Kitenge

A 14 ans, ce n’est pas déjà trop tôt pour être parent. Les jeunes commencent trop tôt, et ce n’est pas de leur faute. A cet âge, en Afrique ou ailleurs, nous sommes tous plein de curiosité, de rêves et de fantasmes. Sauf que chez moi, on n’a presque personne pour démystifier le mystère. Au contraire, il se double de la peur. Le sexe et la sexualité deviennent une énigme. La peur d’être grondé, la peur d’être puni pour voir osé ou tripoté, tout cela poursuit les moins rebelles jusqu’à leur mariage. Normal qu’ils la répercutent sur leurs enfants et petits-enfants. C’est la perpétuation des tabous !

On gronde, mais on pousse en même temps à oser…

Voilà tout. A 24 ans, vous commencez à énerver voisins, grands-parents, oncles et tantes si vous n’avez pas pris femme. Pire encore pour la jeune fille : d’ailleurs on la soupçonne d’être stérile ou professionnelle de l’avortement. Ah, celles-là encore : les tantes ! Elles vous sermonnent jusqu’à ce que vous vous énerviez et preniez femme… Leurs reproches inspirent le sexe, le plus souvent, mais jamais elles ne vous éduquent à la sexualité. Curieusement, la tradition veut que tantes et oncles parlent de sexualité aux ados de leurs parents, les parents géniteurs étant trop pudiques pour cela !

Mais rendez grosse, vous les verrez tous courir pour des leçons, comme si vous leur devez des comptes. Oui, on ne doit des comptes que lorsqu’on a été prévenu, renseigné, éduqué. Pourtant, plusieurs jeunes, moi y compris, ont appris dans la rue, tout ce qu’ils savent sur la sexualité, à part peut-être les rares qui tirent profit des cours de biologie.

Les adolescents qui ont joué au sexe ou ont échangé des câlins croient avoir décroché le ciel ou découvert un grand trésor. De facto, ils se trouvent supérieurs à leurs camarades encore « bleus ». Oh, Afrique ! Si seulement on comptait combien nos enfances meurent dans cette euphorie et combien d’avenir se noient dans les tabous autour de la sexualité !

On punit ceux qui rendent grosse

Si en ville le garçon qui rend grosse ne redoute qu’on vienne lui abandonner la ville enceinte, sans ressource ni préparation, au village, à Musumba et à Kalamba, par exemple, les pressions sont grandes. Outre qu’un coup de semonce de ses parents lui tombe dessus, sans exclure des violences physiques, « l’engrosseur » doit se préparer à faire face à la famille de la fille. Il est parfois battu, aussi bien que sa copine. Une grossesse hors mariage fait honte à tous et constitue, en effet, un affront à l’honneur !

Faute des violences, la colère peut être commuée en de fortes amandes avant la dot, parfois réclamée au commissariat de police, pour plus de répression et une exécution rapide. Si les études de la fille sont interrompues, c’est la faute au garçon. C’est encore sa faute, si elle n’est pas honorablement épousée. Dans les deux cas, il paie des amandes en guise du « chômage ». Remarquez bien que le mot n’a rien de son sens économique.

Mais quelle société révoltante ! Ne gagnerait-on pas à parler clairement du sexe aux adolescents en Afrique, et au Congo précisément ? L’interdit attire, on n’y peut rien, en effet. Tant que le sexe et la sexualité resteront un mythe, alors des jeunes oseront et pire alors, ils prendront des risques inutiles.

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Commentaires

Mireille Flore Chandeup
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Bien didier! Dis, si tu nous faisais un billet où tu simule une conversation sur le sujet du sexe avec ta fille de 10 ans, pour donner l'exemple aux parents africains et, surtout, congolais! lolllll

Benjamin Yobouet
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Il n'y avait pas plus belle chute que celle là :

"Tant que le sexe et la sexualité resteront un mythe, alors des jeunes oseront et pire alors, ils prendront des risques inutiles."

Je suis d'accord, bien à toi très cher Didier :) !

Didier Makal
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Oui Ben. Merci pour d'être passé par ici

Moni
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Merci Didier!! Votre article m'a encore inspiré pour mon mémoire. Grand mercu

Didier Makal
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Ouais! Je suis heureux. Merci beaucoup.

Bob ibrahim
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Bonjour cher Didier.Très bel article.Parole de médecin:ce que les jeunes découvrent sans information préalable laisse certains,surtout les femmes (comprenez ici le sexe féminin).Le sexe,dans sa globalité,est un art et pour cela,il exige un apprentissage.Je penses que les écoles peuvent aider à cela,en invitant de temps,lors de cours d'éducation à la vie,des médecins ou sexologues( il y en a dans les grandes villes du pays) pour en parler à nos enfants,nos frères et soeurs.Pour finir,comment créer un blog? Lire et écrire sont ma seconde nature,bien à toi.