Nous voulons plus de passions, plus de rêves dans les médias en RDC

Article : Nous voulons plus de passions, plus de rêves dans les médias en RDC
Crédit:
28 janvier 2018

Nous voulons plus de passions, plus de rêves dans les médias en RDC

En République démocratique du Congo, RDC, les gens aiment la télévision et les passions qu’elle charrie. D’autres, en revanche, s’en détournent parce qu’ils n’y en trouvent pas le contenu qu’ils cherchent. Ils vont alors les chercher dans les télévisions étrangères, cryptées.

Voilà qui ouvre une voie presqu’inexorable aux puissantes et irrésistibles industries audiovisuelles étrangères. Cette entrée en RDC, en effet, date déjà des années de l’indépendance où après la radio, la télévision étrangère concurrence impitoyablement la précaire (à tous points de vue) télévision locale.

Les gens désaffectionnent davantage les télévisions congolaises

Bien plus, depuis que les nouveaux dirigeants ont fait en sorte d’être présentés comme des dieux adorés sur les télévisions nationales africaines, on assiste à une désaffection accélérée des publics congolais pour leur audiovisuel. La télévision est un média qui charrie beaucoup de passions et d’émotions. Elle affole, en réalité, à Lubumbashi où je vis.

La course aux passions, en effet, atteint un seuil tellement puissant que l’on ne veut plus réfléchir, ni à Kinshasa, ni à Lubumbashi, ni dans les autres villes. Un homme vient de s’ouvrir accidentellement le mollet devant les limites d’une parcelle au centre de cette dernière ville. Les gens retiennent le malade, plutôt que de courir avec lui à un hôpital situé à 150m du lieu où ils se trouvent. Ils appellent instentanément la télévision où je travaille. Cela doit être vu à la télévision. Il faut dénoncer, surtout, le maître imprudent qui s’est mis en danger. Je ne suis jamais allé couvrir l’événement, me contentant de les appeler à sauver une vie.

Un téléviseur, ça fait plus actuel

Un téléviseur, cela reste encore un de ces attributs du bien-être social que l’on voudrait montrer à tous. Dans les salons des maisons dans ma ville, les écrans LCD, de plus en plus souvent connectés à Canal +, sont nos enfants cadets. Gâtés donc. On les essuie, on les couvre, on les dorlote, on les chérit parfois au même titre que les gamins des foyers.

Les télévisions locales, en RDC, l’ont bien compris : elles perdent de l’audience à mesure que croît la désaffection populaire, et que pénètrent les grands diffuseurs étrangers. Le français Canal + et le chinois Startimes rivalisent de stratégies d’attractions pour attirer de nouveaux utilisateurs. Ils morcellent les bouquets de façon à les rendre accessibles, à moindre coût.

On veut, en effet, plus d’amour, plus de rêve, plus de passion. Des histoires pour curer des âmes déjà peinées majoritairement par la pauvreté, les violences diverses et le chômage. Rêver devant son téléviseur, alors adossé sur un canapé presque monarchique, a des pouvoirs cathartiques. On se convainc que demain, ça ira, avec l’aide de Dieu – auquel on croit toujours, chez les congolais.

Les films et les séries attirent encore plus que les JT

C’est pourquoi les films nigérians, très empreints de superstitions, mélangeant prophéties et sorcelleries, ont plein de succès. C’est aussi parce que le « bolingo » (amour, en Lingala) tant chanté dans la rumba congolaise n’attire plus, n’arrive plus à transporter les gens. Et voilà alors pourquoi la télévision la plus en vogue à Lubumbashi, c’est Novelas, la solution pour plein de rêves. Depuis  l’intronisation de cette dernière, tous les médias congolais courent après émotions et passions, se sachant d’office perdants face à la concurrence étrangère. Il faut faire comme Novelas, même sans les moyens de cette chaîne cryptée. Même dans les JT (journaux télévisés), l’information n’est plus mise en perspective.

En revanche, des télévisions brillantes, diffuseuses d’informations à peu près à l’image des leurs plateaux d’incrustation, bling-bling, rêvent de faire « comme France 24 ». Une d’elles se targue même d’être « Hollywood » et excelle alors dans les films et séries, généralement piratés. Les autres contenus, par ailleurs, restent insipides. Autour des ministres, par exemple, même appelés à des conférences, des journalistes montrent des foules arborant des drapeaux. Ils préfèrent proposer des séquences du genre « je déclare ouverte la conférence », au lieu d’offrir le contenu de leurs exposés.

Étiquettes
Partagez

Commentaires

Junior Ndala Dibala
Répondre

Bel article, cher ami Didier Malak. La télévision locale en perte de vitesse suite au manque d'un bon contenu médiatique. Plus de débats-Citoyens. Les Riches peuvent facilement insulter en payant une tranche à la télévision. Les Pauvres meurent avec leur connaissance parce qu'ils n'ont pas d'argent. Dans ma ville, l'information est payante alors que la rédaction ne doit pas être considérée comme source des revenus. Au moins chaque parcelle possède une antenne parabolique.

Didier Makal
Répondre

Merci cher Junior