Joseph Kabila a achevé son dernier mandat constitutionnel le 19 décembre et reste au pouvoir. Le sort de la tumultueuse République démocratique du Congo (RDC) semble ne tenir qu’à la volonté d’un président qui l’a vue sortir des pires violences de son histoire et qui risque de l’y ramener. Désormais sans légitimité, accroché à une légalité trop discutée et disputée, Kabila s’est fragilisé.

Jamais, même en arrivant au pouvoir en janvier 2001, après le mystérieux assassinat de Laurent-Désiré Kabila, tombeur de Mobutu, les villes congolaises n’avaient été aussi militarisées qu’au 19 décembre 2016. Pour étouffer toute contestation, et surtout une révolte à la burkinabè, Joseph Kabila a envoyé des militaires partout dans les grandes villes, prêts à se battre. Contre qui ? Sa population qui lui demande de partir après 16 ans de règne ! Seulement 16 ?

Villes mortes pour clôturer un mandat et démarrer un autre

Le président Joseph Kabila démarre ainsi le mandat interdit, le 3e, contre la volonté de nombreux congolais et contre son serment de respecter la Constitution. La marque de ses 16 ans de règne risque d’être finalement cette forte contestation qui a paralysé la RDC depuis les « chaotiques » (selon un rapport de l’UE) élections de 2011.

Le jour de fin de mandat a été marqué d’une férie, paralysé dans les grandes villes, un peu comme le fut celui de son arrivée au pouvoir, en plein émoi causé par l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier 2001.

Des villes mortes, les sévices de sécurité ont bien réussi à les causer, en préparant la guerre dans ce qui n’est rien qu’une opération de communication centrée sur la terreur. C’est cela qui a obligé les populations à rester chez elles à Kinshasa, à Goma, à Mbuji-Mayi et même à Lubumbashi, ville rebelle du Katanga originaire de Kabila.

Kabila prêt à se battre pour rester au pouvoir

Président Joseph Kabila à Lubumbashi
Le président Joseph Kabila à la conférence des gouverneurs de Lubumbashi, 2016. Photo M3 Didier

Les pressions accumulées sur le régime Joseph Kabila n’ont pas réussi à l’obliger à partir. Au contraire, les violences et dénonciations de répressions sanglantes semblent engager le régime sur un chemin de non-retour. Mais c’est où ce bout iront Kabila et son régime ? Sans doute, ses voisins l’inspirent : Kagame, Nkurunziza, Museveni, Sassou, … surtout que l’ONU, l’Union européenne et l’ONU ne leur a rien fait qui inquiète.

Mais en RDC de Kabila, la marche vers le mandat interdit est arrosée de sang. On compte des dizaines de morts en janvier 2015 parmi les contestataires de la révision de la loi électorale censée éloigner la date de la présidentielle prévue en 2016. Une quarantaine a péri en septembre 2016 pendant que les prisons continuent de recevoir des victimes de la défense de l’alternance politique.

Mais Kabila s’est fragilisé  

En prolongeant son mandat sans élection et sans modifier la Constitution, Joseph Kabila s’est fragilisé. Pour rester au pouvoir, il ne peut même pas compter sur l’entente fragile avec une frange trouvée avec l’opposition qui lui accorde 2 ans pour organiser les élections. Ce que l’opposition restée en dehors du dialogue se propose de corriger en ramenant la présidentielle à 2017, espérant en plus, réduire l’importance du président durant la transition.

C’est une préfiguration des controverses auxquelles le régime Kabila peut faire face s’il ne réussit pas à rassurer ses adversaires. Malgré les pressions militaires, ils peuvent amener surtout les jeunes dans la rue. C’est notamment Moïse Katumbi, mais aussi et surtout l’opposant historique Etienne Tshisekedi qui dirige le Rassemblement de l’opposition.

Joseph Kabila et les dialogues
Infographie : les dialogues congolais de 1960 à Joseph Kabila

L’épreuve de force pourrait donc ne pas réussir amener longtemps le calme. Puisque le régime Kabila souffre d’un grand mal : ne s’appuyer que sur l’appareil sécuritaire, les congolais paupérisés étant devenus plus contestataires dans les grandes villes. En plus, Kabila se trouve dans la parfaite situation de contestation traditionnelle des dirigeants et des institutions congolaise, que la Constitution a décidé de stopper notamment en limitant le mandat présidentiel à deux.

Au moins, et c’est fait rare, Joseph Kabila pense à respecter la Loi! La Constitution le maintient en poste jusqu’à l’installation du président élu. Reste à savoir si ce ne sera pas lui. Mais en attendant, il n’a plus de légitimité, comme Mobutu en 90-97. Kabila risque de laisser la RDC comme il l’avait trouvée en 2001 : déchirée, affaiblie par les rébellions meurtrières et un peuple très divisé. C’est le drame congolais : l’éternel recommencement.