Didier Makal

Nous, pauvres adorateurs des fake news !

Mais quelle journée, ce 1er avril ! Le mensonge est à la une, plus gravement les fake news, et ce n’est pas à la seule échelle des menteurs professionnels qui décident enfin de dire la vérité. Même les non-menteurs, je vais dire les menteurs occasionnels, s’adonnent à l’art d’induire en erreur, de duper. Tant pis s’ils espèrent rire, rigoler. Puisque quelque part, on se demandera si le blagueur de ce jour a et aura l’occasion de rattraper tous ceux que sa blague a touchés et qui l’ont prise pour du vrai, pour démentir.

© Photo de Joshua Miranda sur Pexels

L’occasion me permet de réfléchir, ce matin, sur notre relation au faux, au mensonge, au tout petit mensonge le plus gentil qui soit. Aux fake news ! Pauvres menteurs, pauvres consommateurs et producteurs de mensonges que nous sommes !

Nous est-il toujours permis de blaguer, avec le faux ?

Hier soir, un utilisateur de Facebook m’a pourtant prévenu : « demain, c’est le premier avril. Les menteurs diront la vérité ». Je me suis bien amusé à lire ce texte. Puis, je me suis endormi. Saintement. Pourtant, ce lundi matin, je suis tombé dans le panneau. Je me suis empressé de rédiger mes vœux sur le mur d’un ami, sur Facebook. Je ne me rendrai compte de sa blague que lorsqu’il réagira à mon vœu, en me disant que ce n’était pas son anniversaire de naissance.

Capture d’écran du fil d’actualités Facebook. © lubumbashiinfos

A l’ère de la pullulation des fake news et des ravages qu’elles causent dans nos sociétés, de l’économie à la santé en passant par la politique et la défense, nous est-il toujours permis de blaguer, d’oser affirmer le faux dans le seul louable but de rire ? C’est peut-être mal poser la question, mais tout le problème est là. Le mensonge, le faux, volontairement conçu ou non, nous environne. Il nous poursuit, nous hante, et de temps en temps, nous le recherchons. Un ami s’amuse souvent bien à dire ses opinions sous la forme du faux. Il prend alors toujours soin de précéder ses textes de la mention « fake news ». Cette pratique me fait réfléchir justement sur notre relation aux faux ! Car nous semblons en raffoler.

Je me passerai ici de nos petits mensonges quotidiens pour échapper au tracas ou au harcèlement (que nous inspire) de tel ou telle proche. Je me passerai aussi de ces « petits » mensonges que nous flanquons aux autres pour des raisons de « face », comme dans l’expression « perdre la face » qui veut dire être ridicule ; situation qui rappelle que nous sommes, de temps en temps, de pauvres adorateurs du faux, de fausses nouvelles, de faux récits ou témoignages. Tant mieux si cela nous permet de triompher, de paraître « moderne », « branché », « à la mode » ou « gentils ».

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Mais nous demandons-nous ce que cela fait de nous lorsqu’on vient à réaliser notre « supercherie » ? Cela explique peut-être que dans nos sociétés, au Congo mon pays, en Afrique, en Europe ou ailleurs dans le monde, nous soyons assez tolérants face au mensonge, aux gentils « petits » mensonges, même s’ils font de grosses faussetés qu’on impose à la place de la vérité, notamment en politique.

Oui, en politique dans mon pays, par exemple, mentir (ou ne pas tenir ses promesses) ne choque pas, et ce depuis des décennies. On entend des personnalités de haut niveau énoncer une vérité, et le temps de cligner les yeux, on les entend énoncer tout l’inverse. On accuse les gens sans se soucier d’apporter la moindre preuve à nos affirmations. C’est comme si les choses étaient vraies par le seul fait de les affirmer. Le plus surprenant dans tout cela, c’est que face aux mensonges, on ne s’indigne pas, on ne proteste pas. On rigole plutôt, on caricature le menteur supposé ou avéré, en l’affublant de sobriquets.

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Il me semble que, du Gabon à Kigali, en passant par Kinshasa, Tunis et Cap Town, le mensonge a des degrés variables et dépend des victimes. Certains, on va les tromper un peu gentiment, avec amour. C’est l’amour propre des menteurs et non ceux qu’on roule dans la farine. Car le menteur se soucie plus de lui-même que des autres. Tant qu’il se souciera qu’on le découvre comme grand ou petit menteur, il choisit la hauteur de sa sanction prochaine.

Alors, souvent, il ment « un peu », simplement. À la mesure de son mensonge, il sera jugé par sa société. Souvent, on pardonne à ce type de menteur en considérant le bien réalisé. D’autres, en revanche, on les trompe violemment. Mais tant qu’ils adorent le mensonge, je ne sais quoi leur dire. Ici, toutefois, le menteur ne se soucie pas de son image ni de ses interlocuteurs d’ailleurs. Qu’on le veuille ou non, il est là, sera là et semble n’avoir de compte à rendre à personne.

Telle est l’écologie que m’inspire le mensonge. Elle permet de comprendre que le menteur prospère toujours grâce à ses victimes. Comme quoi, et je m’arrêterai là, les fake news qui inquiètent des Etats ne reculeront pas dans ce monde tant qu’il y aura des consommateurs de fake news. Je veux dire que, sans révolte et rébellion face aux mensonges, au niveau sociopolitique et de l’éducation morale, nous applaudirons toujours les petits menteurs qui font de grosses duperies et rirons de gros menteurs qui nous violentent.

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Les gens adorent les fake news, sachez-le bien!

Les gens, et je le vis chaque jour en République démocratique du Congo, adorent les fake news. C’est en tout cas le moins que l’on puisse dire. Vous ne le saviez pas?

Les fake news, les rumeurs, et les manipulations, c’est un peu comme une tasse de thé ou de café bien tapée.

On en prend quand on en a besoin, et on recommence. Voilà la conclusion à laquelle, non pas désabusé, je suis parvenu.

Mais, je ne suis qu’au début de ce qui s’apparente, pour moi, à une recherche qui s’annonce longue. Avec un peu de grâce, nous finirons peut-être par un bouquin. Mais en attendant, … vous êtes-vous bien installé ? Karibu, bienvenue.

Ils célèbrent la rumeur à Lubumbashi

Un dimanche de mai 2020, une clameur qui monte de plusieurs quartiers de Lubumbashi, Ville du Sud de la RDC, m’arrache à un joli film que je regarde sur ma télé.

Je suis surpris d’apprendre, lorsque je recoupe plusieurs sources dans des groupes WhatsApp et au téléphone, que les gens célèbrent la rumeur.

Une histoire vraiment loufoque, qui fait que des centaines, peut-être des milliers de personnes en cette nuit tombante, célèbrent la fin du confinement.

Sauf que personne, parmi les personnes censées annoncer la fin du confinement, n’a pris une telle décision. Ni au niveau du gouvernement national, ni au niveau du gouvernement local.

Pourtant, il n’y a pas vraiment de confinement en RDC

Plus surprenant encore, c’est de constater que même si l’épidémie de Covid-19 propage de l’anxiété, il n’y a pas du tout de confinement. Avant, égale vraiment le « durant » le confinement.

Les gens se marient, en masse, et enterrent leurs morts en masse. Et ils ont même le temps de se réunir en masse pour jubiler une rumeur. Et c’est pareil partout au Congo, même à Kinshasa où se trouvent plus de 80% des contaminations. Ah, j’allais oublier de dire que seules manquent vraiment à plusieurs, les cultes dans les églises et les classes, pour les écoliers.

Il semble, curieusement, que tout serait parti d’une lecture erronée d’un déroulant diffusé sur une télé de Kinshasa.

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Digital Congo annonçait le début du déconfinement le 25 mai au Congo. Sauf qu’il ne s’agissait pas du Congo Zaïre, mais de l’autre Congo voisin. Pays où d’ailleurs le confinement avait déjà démarré lorsque ce média donnait cette nouvelle.

Mais, le plus étonnant, pour moi, n’est pas né là-bas. Cet événement n’a fait que confirmer mon constat selon lequel les gens adorent les rumeurs et les fake news.

Ils refusent la vérité, même preuve à l’apui

D’abord, j’ai plusieurs fois surpris des proches en train de savourer des rumeurs. En vain, j’ai essayé de les en délivrer. Ensuite, j’ai pu le constater dans plusieurs forums, sur WhatsApp.

Un jour, en 2019, d’anciennes images des Casques bleus de la mission onusienne en RDC réapparaissent sur les réseaux sociaux. Elles prétendent prouver que des onusiens ont été une nouvelle fois arrêtés en train de vendre les uniformes de l’armée de RDC aux groupes armés.

En vain j’essaie de convaincre un compatriote, qui vit en Afrique du Sud, que la nouvelle est fausse. Puisque je connais bien les images, qui datent de 2014. Des Casques bleus ukrainiens avaient justement été arrêtés avec les uniformes de l’armée congolaise dans des conditions inexplicables.

Beaucoup d’analystes y avaient vu une preuve de la duplicité des onusiens. Et y compris des membres du gouvernement de Joseph Kabila, d’ailleurs.

Les gens ne sont pourtant pas fous

Le plus étonnant, c’est que le Congolais d’Afrique du Sud a saintement refusé d’admettre qu’il diffusait une fausse nouvelle. J’ai eu beau lui présenter des liens des récits sur l’arrestation des fameux Casques bleus ukrainiens.

Une fois dos au mur, il a changé de discours, en s’accrochant à l’idée que même si l’histoire des images en question est ancienne, des onusiens jouent un double jeu au Congo. Mais là, c’était un autre débat, et j’ai refusé de le suivre.

Dernièrement, c’est un ami journaliste qui m’a conforté dans mon idée des fausses nouvelles qui font du bien à ceux qui en consomment. Ce factchekeur de première heure en RDC, m’a surpris par son constat.

Il m’a assuré que souvent, lorsqu’il publie des articles qui déconstruisent des fausses nouvelles, on l’accuse lui-même de mentir. Comme quoi, la rumeur ou la fake news a une peau dure à cuire.

Puisque quelques fois, certains internautes l’accusent de bosser pour les Blancs dominateurs, qui n’aimeraient pas les Africains.

Mais derrière ces histoires parfois vraiment incroyables, se cachent des vrais problèmes de société. Je cours souvent le risque de me quereller avec les miens en famille, en essayant de montrer qu’on est face à des rumeurs ou fausses nouvelles.

Savez-vous pourquoi les agissent ainsi? Prenez patience. Je reviendrai. Laissez-moi chercher encore. 😘👌


Beni, on dira bientôt de toi béni de Dieu

Les cœurs écartés, en ce décembre pluvieux 

Et nos yeux toujours en crue ne trouvent guère 

de grève où crier enfants bénis, quand Beni galère 

Ils ne trouvent naguère une once des jours heureux 

Nous n’irons ni pleurer sur nos tombes

Nous n’irions jamais quémander auprès des vendeurs d’armes 

Un peu d’airs qui soufflent sur nos âmes 

Quelques airs qui rappellent leurs bombes.

Nous irons jusqu’au bout de notre fierté 

Sans barge ou avec rien du tout

Pour que toutes les fripouilles hors d’ici jetées, 

Sur les tombes, enfin, de leurs bombes renaisse tout.

Nous allons pour toujours sur les cimes de leur honte

En lettres dorées rappeler cette inexorable fonte

Des calottes de leur rapacité qui bientôt gît 

Sous la sale histoire de leur idiotie qui bientôt finit.

Alors je dis à Beni, tu es malgré tout béni 

Rien ne m’empêche, même l’âme congelée 

De voir demain les faiseurs de ces morts entremêlés

À genou et à jamais nous supplier parce que de Dieu Bénis.