Ces Mamans bien-aimées des écoliers de Lubumbashi

Article : Ces Mamans bien-aimées des écoliers de Lubumbashi
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11 novembre 2014

Ces Mamans bien-aimées des écoliers de Lubumbashi

Comment les écoliers consomment-ils l’argent qu’ils reçoivent des parents à Lubumbashi ? Il y a des aliments qui ne sont prisés qu’à l’école : le manioc, les arachides, etc. Voilà où va leur argent. Certaines vendeuses sont devenues fidèles et ont fidélisé écoliers et responsables d’écoles ou enseignants. Et ce n’est pas fini. Même au-delà des écoles, ces muoko (maniocs) circulent dans des bureaux. Ils sont bon marché, mais aussi sont inoubliables tant qu’ils résistent au temps.

C’est décidément un phénomène social, de tous les âges. Je le crois bien. Un jour, pour marquer sa proximité avec sa société et surtout dire qu’il est des conditions ordinaires, celles de tous les citoyens, un ministre arrivé à l’entrée d’une école célèbre s’arrête : « Où est partie la maman Fifi (je choisis ici un faux nom) qui rôtissait du manioc ici ?» demanda-t-il. La question, aussi vague qu’elle vous paraisse, était malgré tout précise. Qui pouvait ignorer cette brave maman Fifi ! « Elle était la meilleure. Nous venions acheter des tranches de manioc et des cacahuètes chez elle, puis on repartait pour les cours » conclut le ministre. Ses anciens camarades d’école parmi ses conseillers et sa délégation se rappelèrent les bons vieux moments.

Un bassin de maniocs et arachides
Un bassin de maniocs et arachides

Ces habitudes qui durent

Non ! Il est toujours là, ce beau moment. Seulement il a changé, il change avec les âges. Aujourd’hui, bien plus qu’à l’époque du ministre, elles sont devenues nombreuses. Dans certaines écoles, elles ont obtenu des coins bien connus de tous. Tous : officiels et écoliers. Parfois tout le monde y descend. Parfois aussi, quand cela semble gêner, ce sont les élèves qui achètent pour leurs enseignants ou directeurs.

C’est un sacré casse-croûte, ces tranches de manioc. Il y en a à tous les goûts : du manioc rôti, frit, préparé à l’huile de palme et à l’huile végétale, cuit sur du charbon de bois et même à l’état naturel, mangé comme carottes. Et cette dernière catégorie (manioc consommé comme carotte) aurait des vertus aphrodisiaques. Les vendeuses le savent tout autant que les acheteurs hommes. Les tout-petits ne s’y hasardent pas du tout. Et les cacahuètes, c’est aussi varié : torréfiées, crues-sèches, crues-trempée donc rafraichies, et même préparées à l’eau et salées. Il faut en manger !

Voir ici la vidéo : Ces recettes bien-aimées des écoliers lushois

Loin des écoles, dans des bureaux, ils circulent fort ces maniocs. Tout le monde a consommé du manioc à l’école. Et lorsqu’on voit passer les vendeuses, rebelote ! Bonjour les souvenirs. Et elles sont les bienvenues, ces vendeuses qui renvoient chacune à une maman Fifi bien particulière! Un employé d’une des régies financières de l’Etat établi à Lubumbashi raconte :

« Il y a des femmes qui venaient avant vendre ces maniocs à notre bureau. Moi, j’achetais chaque jour (…) D’abord parce que cela coûte moins cher :500 FC (environ 0,5 UDS) ou le double y  compris avec de l’eau de boisson. Ensuite, parce que j’aime vraiment ces maniocs… Je n’ai jamais compris comment tout le monde est devenu accro. Finalement, les chefs ont décidé que ces femmes en apportent tous les jours et pour tout le monde. Aujourd’hui, elles arrivent le matin, et celui qui veut reçoit sa part. À la fin du mois, elles sont payées bien plus que ce qu’elles gagnaient avant en circulant à travers la ville. »

Un moyen de survie

Des élèves achètent du manioc. M3 Didier
Des élèves achètent du manioc. M3 Didier

Ce lundi 10 novembre 2014 dans la matinée, je les ai trouvées encore dans une des grandes écoles de Lubumbashi. Leurs marchandises sont variées. Outre les gammes de manioc et arachides, il y a des beignets, des croquants, du pop-corn, des jus divers, de l’eau,  des biscuits aussi. Ces femmes sont rejointes par des jeunes gens qui vendent des œufs et des cervelas qu’ils découpent en petites tranches. Dans d’autres écoles, même dans les institutions supérieures et universitaires, si elles ne sont pas installées quelque part, elles s’installent à l’entrée ou se créent des espaces en face.

Les prix sont bon marché. Tout part de 100 FC, environ 0,1 USD. Arrivées chargées des marchandises, souvent ces vendeuses repartent presque délestées. Mais malgré cet apparent succès, plusieurs reviennent chaque année à la même activité. Une preuve que cela ne prospère pas du tout ? Une femme confie :

« Je ne gagne pas grand-chose. Mais il faut que je vienne chaque jour ici et que les responsables d’écoles ne me chassent pas. Il faut aussi que je ne tombe pas malade. Alors je peux payer les frais d’études pour mes enfants. Il faut qu’ils étudient eux aussi, vois-tu ? Et ce qui va rester, je mangerai avec les miens ».

La maman Fifi, bien-aimée du ministre ci-haut cité, avait réussi elle aussi à envoyer même son fils à l’université avec ce petit boulot, mais ce sont là des succès marginaux. Principalement, ce commerce est un moyen de survie dans une ville où la population et la pauvreté s’accroissent.

Des risques des maladies

Des jeunes gens achetant des œufs dans une école à Lubumbashi. M3 Didier
Des jeunes gens achetant des œufs dans une école à Lubumbashi. M3 Didier

Les écoliers sont friands de ces aliments, surtout à l’école. Parfois, à voir les conditions physiques de certaines vendeuses et vendeurs il y a à craindre des maladies. Un jeune homme explique qu’il ne peut pas manger des aliments. « Papa me l’interdit. C’est sale, ce n’est pas bien cuit », précise-t-il. Mais allons, « Sais-tu d’où vient tout ce que tu manges ? Qui te rassure que ce que tu paies dans les supermarchés est toujours propre ? » rétorque un autre écolier. Pas toujours évident.

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Commentaires

Steaves
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J'ai aimé ton billet. pour avoir étudié aussi à lubumbashi. je me reconnais un tout petit peu, mais nous à notre époque on mangait plus des beignets que du manioc.

Didier Makal
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Waw cher Steaves. content de votre réaction! vous êtes alors un véritable lushois! Merci beaucoup

Emmanuelle gunaratne
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Intéressant de voir que les cultures traditionnelles pleines de qualité nutritionnelle ont du succès auprès des écoliers. Au Sri Lanka,les goûters de "Junk food" ont été interdits dans les écoles gouvernementales. Mais les mac do et autres fast food continuent à se multiplier comme des petits pains. .

Didier Makal
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Merci beaucoup chère Emmanuelle Gunaratne. très content de votre réaction. ça me donne l'occasion de voir ce qui se passe ailelurs dans les écoles.