Visa Schengen : l’Europe admire la voie de Lampedusa
Citoyen d’Afrique, vous allez sur Schengen ? Vous n’inspirez pas confiance, même après un soutien de Mondoblog-RFI et de RSF. Ne vous plaignez donc pas. Vos congénères ont gaffé, trahi, et fatalement vous êtes tous pareils. Voici comment, en formulant une « demande de visa » pour le Congrès mondial Vélo-city 2015 à Nantes, j’ai fait entendre « candidature à la clandestinité » en Europe, pour un voyage aux calendes grecques.
Jamais je n’avais imaginé qu’un article sur le vélo, tel que je l’ai connu à Kapanga en RDC, allait me valoir l’honneur d’être invité à la Vélophonie en France, en Europe. L’Europe, Putu, Mputu, Poto, ce pays que mes aïeux colonisés et certains compatriotes encore aujourd’hui ont associé au lieu où habite le Bon Dieu. Il fallait y aller, pour qu’enfin un de leurs rejetons devînt Dieu lui aussi ! Pour les amis Blogueurs de Lubumbashi, c’est un signe que bloguer ne passe pas inaperçu. « Ce n’est pas une perte de temps ! »

Imprimantes et signatures uniquement à Kinshasa
Il me fallait un passeport. Que cela peut être stressant et énervant d’acquérir un passeport congolais, autrefois un des plus cher du monde. Les choses ont certes changé, mais des écueils demeurent. Quatre semaines pour l’avoir, alors ça va vite ! Pour l’avoir très vite, dans deux semaines, il faut des contacts et pas seulement. Allez, j’ai quand même un carnet d’adresse ! Huit jours passent pour contacts et identification au Renseignement, où je dois prouver que je suis l’arrière-petit-fils des grands-parents de mes parents, et capture … ! Ça suffit pour prouver ma nationalité, en effet. Faut pas rigoler. Congolais d’origine, au terme de la Constitution : vos aïeux ont appartenu à un des groupes ethniques du territoire devenu RDC au 30 juin 1960, en effet ! Lire l’article 1 de cette Constitution.
20 jours d’attente, d’impression et d’envoi des passeports sur Lubumbashi. On n’a d’imprimante qu’à Kinshasa ! Et l’unique signature scannée et collée sur le passeport n’est applicable que là. Enfin, je l’ai le fameux passeport. Ah, le visa ! Une autre affaire, plus dure !
Nous avons un contentieux colonial avec les cousins belges
Il semble que par une malencontreuse entente, l’UE s’est méprise à confier l’octroi du visa Schengen au sud de la RDC à la Belgique. Simplement parce que cette Belgique, qui connaît bien le Congo, le connaît mal. On a des choses à régler, jamais finies : affaire de colonisation, de décolonisation (rires!). Du consulat de France, je suis donc tombé à celui de la Belgique. A ce consulat clôturé par un mur, haut de 3 mètres environ, surmonté en plus des fils barbelés, on ne vient que sur rendez-vous. On vous reçoit seulement le lundi, le mardi et le jeudi, entre 8h et 12h ; et pour le suivi, entre 16h et 17h. N’appelez pas en dehors de ces heures. Le rendez-vous se prend seulement par email, que vous sachiez surfer ou non. Un cousin m’avait prévenu : « Ils sont bizarres, tu risques de t’énerver. » De Londres, où il se trouvait le jour de mon voyage raté, il me disait qu’il a eu son visa en deux jours à Lusaka en Zambie voisine. « Avec respect et c’est rapide », a-t-il précisé.

Les cousins belges ont fermé leur cœur
Le 26 mai, j’ai vu venir mon échec. Un agent consulaire m’envoie suivre online mon dossier transféré à l’Office des étrangers en Belgique, où des gourous sont capables de détecter plus rapidement qu’eux, en une photo, un futur candidat à la clandestinité ou non. Curieusement, Lubumbashi n’a transféré mon dossier que le jour même où le visa devait m’être accordé. Grande implication de Mondoblog-Rfi : Ziad, Melissa et même RSF. Malgré cela, rien ! Les cousins belges ont fermé leur cœur. « Nous avons bien reçu la demande et celle-ci est en cours de traitement. Le délai de traitement est d’environ 60 jours … ». Je devais payer pour les mbengistes de RDC : musiciens, sportifs, etc.
Mais non, qui a dit que tous les africains veulent immigrer en Europe ?

Il est vrai que le sérieux ne se lit pas sur le visage. Le contraire ne vaut pas non plus. Se méfier, c’est normal. Mais que tout demandeur de visa Schengen soit considéré comme candidat à la clandestinité en Europe c’est sans doute demeurer borné et simplement manquer de respect pour l’humain. L’Europe se moque de ceux qui veulent voyager en bonne et due forme dans le respect de soi et des autres. Mais ceux qui prennent la mer et coûtent cher (hébergement, nourriture, soins de santé, sauvetage), que fait-on d’eux ? Belle leçon de solidarité et d’humanisme ! Non, je ne m’ennuie pas dans mon pays au point d’envier de vivre caché en Europe. Non, cette vie ne me convient pas et votre attitude ennuie. Sans rancune !
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