L’Opéra à Lubumbashi, c’est possible

Article : L’Opéra à Lubumbashi, c’est possible
Crédit:
4 mai 2015

L’Opéra à Lubumbashi, c’est possible

Les incrédules se sont pliés : opéra à Lubumbashi, le débat est clos désormais. Le premier concert de musique classique a réjoui l’assistance. Retransmis (en différé) sur la télévision Mwangaza samedi 2 mai, après le théâtre de Lubumbashi (transformé en siège de l’assemblée provinciale du Katanga). « Une première », tout le monde l’a reconnu.

Des choristes de Lubumbashi au concert d'opéra. Samedi 2 mai 2015. | Photo Magloire Mwamba
Des choristes de Lubumbashi au concert d’opéra. Samedi 2 mai 2015. | Photo Magloire Mwamba

« Je regrette de ne l’avoir pas appris à temps », m’a écrit une amie qui auparavant s’étonnait d’apprendre par mon tweet qu’un opéra était organisé à Lubumbashi. Pas la seule surprise. « Lorsque j’ai dit à que je venais à l’opéra, mes enfants m’ont dit : « maman, l’opéra à Lubumbashi ? » », a expliqué Clotilde Mutita, maire adjointe de Lubumbashi, enthousiaste, à la sortie du concert. Peu de personnes seulement y ont cru jusqu’aux nombreux moments où la chorale a été applaudie. Inconnue, cette chorale s’est souvent réunie (rassemblant les classiques des différentes paroisses de Lubumbashi) pour des gardes messes catholiques. Depuis près de deux ans, elle s’organise avec le rêve du grand classique voire, l’opéra. La sortie de ce samedi est la première en On. Vu comme ésotérique, « une affaire des mystiques » pour les superstitieux, l’opéra ne verra pourtant pas si tôt changer en cris de joie, les vagissements de sa naissance. Les mythes, c’est plein notre vie ! Ces jeunes gens qui chantent « comme des blancs », ces filles qui crient à gorge déployée sans s’épuiser, ces voix entrecoupées et aigües, tout un tas de choses pour que les sceptiques aient des raisons de ne pas admettre que c’est possible. Pourtant, ce qui est arrivé samedi est tout vrai.

« Magnifique »

Les « magnifique » et « vraiment intéressant » prononcés par les invités à la sortie ont finalement apaisé les cœurs. « Ofertuna », poème médiéval mis en musique par l’allemand Karl Orff reste un de ces airs qui marqueront les esprits, chanson applaudie durant plus de 60 secondes. Une véritable démonstration de force. « On ne le croirait pas. En tout cas je ne pensais pas trouver ça à Lubumbashi » déclarait un invité. Un autre poursuivait : « ils m’ont fait la chair de poule ». Pour Théodora Ignatova, consule bulgare qui a parrainé ce concert, ces jeunes sont simplement impressionnants et méritent d’être soutenus. Le risque de soutenir ce concert a permis de parler de son pays, pas assez connu, qui vient d’ouvrir une représentation diplomatique en pleine capitale économique de RDC.

Concert d'opéra à Lubumbashi |Photo Magloire Mwamba
Concert d’opéra à Lubumbashi |Photo Magloire Mwamba

Ils chantent « comme des blancs »

Chanter « comme des blancs », difficile d’échapper à cette comparaison quand on est à Lubumbashi où musique classique est affaire des blancs, n’intéressant que quelques « fanfarons » qui se croient « civilisés » ou simplement venus des pays des blancs. Non. Cela a été démenti. Mais au sein même des chorales catholiques, les critiques opposent parfois les classiques et les « autres ». Ceux-ci paraissent parfois moins laborieux, moins érudits. Comme si décidément, l’église elle-même n’aimait que ce qui vient « des blancs », de l’Europe. N’en déplaise aux partisans de l’inculturation. Le classique lui, il reste universel, catholique ! Et pour encore couronner d’orgueil certains, les grands événements de l’église (sacre, ordinations, inhumation) sont généralement « classiques ».

La chorale chante l’amour, la joie, la tristesse et des faits de société. Le costume, cousin de la musique, n’a pas été oublié. A travers une interprétation du comique de Carmen Bizet, les choristes ont simulé des costumes du 18e siècle occidental ; ou encore  un jeune toréador désiré par les femmes après avoir poignardé un taureau. Rien pourtant n’était acquis pour ces choristes devant un public dont ils ignoraient tout de son attrait ou de sa répulsion des airs classiques. Il fallait un public qui atteste qui valide leur talent et leur conformité au classique. Voilà pourquoi des occidentaux ont été « nombreux » au concert. Le risque était de déplaire, de décevoir ces gens qui en ont vu de toutes les hauteurs. Mais qui allait remplir la salle ? Le risque de voir la salle vide ou simplement occupée par des étrangers, grand dans une ville habitué au « ndombolo », ce style un peu endiablé qui nous accompagne à toutes les fêtes.

Pas mal pour un départ. Mais il reste le costume, l’arrangement du son, la réalisation aussi bien pour la couverture médiatique que pour la salle. Les régisseurs ont donné l’impression de ne pas maîtriser leur art, se contentant de balancer les lumières comme dans dancing club. La volonté est là pour ces choristes. Demain, ils feront peut-être mieux encore.

Étiquettes
Partagez

Commentaires