Déviations dans la publicité congolaise

Article : Déviations dans la publicité congolaise
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3 août 2015

Déviations dans la publicité congolaise

La communication des entreprises entre les mains inexpertes en République démocratique du Congo inquiète. Une sensation de déviations dans la publicité ! Vol et violence, par exemple, y alternent avec invitation à consommer, à aimer. Société civile et commission de censure restent bouche cousue.

Deux publicités suffisent pour peindre une communication incontrôlée, symptôme d’un déviationnisme communautaire ? On pourrait en tout cas y déceler une société congolaise avec ses tares. Voici donc ces publicités.

Les gaufrettes (Chips). Source: www.provence-chips.com
Les gaufrettes (Chips). Source: www.provence-chips.com

Première publicité : le vol

La première publicité met en scène le comédien Fiston Saï-Saï bien-aimé des enfants, qui veut donner à ses enfants le Yoyo, une variante de chips, très prisés par les petits. « Qui a volé Yoyo pour enfants ? », demande le comédien qui n’a rien trouvé dans sa voiture. Derrière la maison, il surprend Tito, son employé, en train de savourer le Yoyo, « pour enfants » ! Le discours de celui-ci, pour justifier son vol, est : « C’est tellement bon, Yoyo ! Même nous les adultes, nous pouvons en manger. » Les enfants plaident auprès de leur père pour qu’il révoque sa décision de licencier Tito pour vol. Ce sera accordé. Soit !

Il est clair que le message voulu dans cette publicité est que même les adultes veulent du Yoyo. « C’est tellement bon » ! Mais que la trame, le schème même de cette histoire est déviant ! On justifie le vol par la séduction ou la dictature d’un affect, d’une pulsion, comme si pour justifier son acte, un violeur devait dire à un juge : « La petite-là est tellement belle, je n’ai pas pu résister ! » Quelle banalisation d’un acte négatif !

Mais lorsqu’on s’arrête un instant pour observer la vie publique (au risque de généraliser les cas particuliers), on se rend compte que le vol, le mensonge ou la tricherie passent pour un rien, parfois pour des actes normaux. A la banque, dans certains hôpitaux, dans l’administration publique, on glisse facilement des billets pour être servi vite ; avec un salaire qui dépasse à peine 100 dollars, on bâtit de grands édifices… ! Que l’idée suggérée d’un vol, si indirecte soit-elle, passe dans la pub inaperçue, c’est inquiétant.

Deuxième publicité : la sacrée violence

La seconde publicité met en exergue une image on ne peut plus insupportable par son extravagance. Pour dire que le dentifrice Flodent fortifie les dents et les rend saines, une publicité oppose à un quinquagénaire, sur un ring de boxe, un gamin de dix ans à peine. Le gamin évite habilement des coups violents et en arrête deux : le premier fait mal au géant parce qu’il s’est frotté aux dents « prétendument dures », le second est arrêté parce que l’enfant a mordu et déchiré le gant du boxeur, à la stupeur de celui-ci. Fin de la scène !

Source: www.gameblog.fr

Sans verser dans le vieux (et éternel ?) débat sur les effets des médias, notamment dans l’éducation des enfants, il s’agit là d’une violence suggestive,  potentielle même ! Si les catcheurs de la WWE lancent sans cesse « s’il vous plaît, ne faites pas ça chez vous », ils n’ignorent pas le risque pour les mineurs de tenter de se projeter dans l’air comme John Cena, etc. Les concepteurs de cette publicité entendent probablement pousser les enfants à presser leurs parents pour payer le dentifrice Flodent, avec la promesse qu’il rend fort. Dans ce cadre, la santé de la dent vient après la force, cette capacité de résister à un grand.

Une fois de plus, la communauté tolère… ; aucune alerte en effet ! D’où ces questions : la société congolaise s’accommode-t-elle à la violence ou légitime-t-elle certaines violences ? Jusqu’où peut-on aller en suggérant des violences ? Encore quand elle doit s’inscrire dans une âme jeune, quel futur fabrique-t-on ?

Il est vrai que les messages publicitaires en RDC sont laissés largement entre les mains des célébrités, des stars en lieu et donc, pas forcément entre les mains expertes. Les agences publicitaires peinent parfois à convaincre les annonceurs. Mais quel dommage que la communication publique soit gérée par des gens incapables de voir un message sous plusieurs facettes ! L’Etat lui-même oublie ce secteur. Pourtant, les dérapages ne manquent pas.

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Commentaires

chantal
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Très cher frère, je suis très touchée par ce message, conseil poignant et je mesure l'ampleur seulement aujourd'hui, quelle société sommes-nous en train de construire? Vraiment il nous faut une interpellation devant les instances compétentes. La société civile c'est vous et moi