L’heure de l’émancipation des pygmées a sonné au Katanga

Article : L’heure de l’émancipation des pygmées a sonné au Katanga
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28 septembre 2015

L’heure de l’émancipation des pygmées a sonné au Katanga

Émancipation des Pygmées et gouvernance par eux-mêmes, avec un territoire comme les Bantous, l’idée fait tâche d’huile au triangle de la mort, au nord du Katanga. Sur le chemin des Pygmées du Congo, hélas, des Bantous à la territorialité bien ancrée. Ils s’affrontent depuis 2012.

Les autorités ont été surprises par l’ampleur du conflit. Les humanitaires qui les accusent de négligence auraient eux aussi grossi certains traits pour donner de l’importance à la crise. Ainsi, un chef militaire s’interroge :

« Les Pygmées et les Bantous vivent depuis toujours. Depuis quand avez-vous appris qu’ils ont eu des problèmes ? Le seul conflit connu dans la région est celui des Maï-Maï. Les humanitaires créent celui des Pygmées. »

Village camp OCHAPeut-être aussi parce qu’ils sont restés « soumis » à travers des générations. Une dépêche de l’AFP rapporte que « les bantous exploitent et humilient les pygmées ». Cela est fort critiqué.

Le discours sur l’émancipation pygmée a mis le feu aux poudres

L’émancipation des Pygmées. C’est peut-être l’essentiel du problème à l’origine du conflit entre Pygmées et Bantous (les Baluba selon les humanitaires), dans le Manono et le Tanganyika. Le message d’émancipation des Pygmées « n’a pas été très bien transmis », note Juvénal Kitungwa, ministre de l’Intérieur du Katanga qui a tenté lui-même de réconcilier les deux communautés.

Les Pygmées devaient passer de la vie nomade à la sédentarité. Le message d’émancipation de l’ONG la Voix des communautés indigènes voulait « que le peuple pygmée soit considéré comme le peuple bantu ». La compréhension a changé pour les Pygmées. Transmission difficile, l’idée apparaît aussi en mars 2014 dans un bulletin hebdomadaire de OCHA (pdf).

« Ça signifie, sur le plan pratique, que le peuple pygmée puisse avoir ses propres villages, ses propres chefferies, ses propres territoires. Et par conséquent, avoir ses propres responsables comme chef de chefferies, chef de groupement et administrateurs de territoires. »

Tentative d’auto prise en charge par les Pygmées

L’ONG la Voix des communautés indigènes avait (en 2012) peut-être négligé de penser à la dimension territoriale de cette émancipation. Une auto prise en charge, une gouvernance par soi-même d’autant plus que le Pygmée se découvre sans terre, sous le pouvoir bantou.

« Il se pourrait que certains Bantou se comportent peut-être avec plus d’autorité face aux Pygmées. Mais il n’y a pas d’esclavage de pygmée au Katanga », insiste un militaire.

C’est le début de la désobéissance comme l’explique Juvénal Kitungwa :

« À partir de ce message, la population pygmée a estimé qu’il n’était plus possible de respecter les chefs coutumiers investis. De ce fait, ne pouvaient pas payer les redevances coutumières (le tribut). »

Croire qu’il faille partager son territoire, pour un muntu (en milieu rural), installé depuis longtemps, est source de conflit. La terre, le territoire est signe même de pouvoir.

Les pygmées et les bantus se battent au triangle de la mort, au Katanga
Le Katanga, zone en proie aux conflits armés: triangle de la mort.

Violences entre pygmées et bantus au Katanga

Difficile de ne pas imaginer des violences. Elles sont à l’origine de plusieurs déplacements des populations, hormis l’activisme des Bata Katanga. Armes à feu artisanales, flèches et machettes, … on se tue. Le 25 mai 2014, des pygmées attaquent Kabonzo, Kamazembe, Masumbuko et Mudinda, localités bantu situées à 160 km au nord-est de Manono. Ils enlèvent une dizaine de femmes, selon une publication de OCHA (pdf). Les femmes enlevées subissent des viols. Selon la même source, les pygmées reprochent aussi aux bantu d’épouser chez eux et leur refusent l’inverse.

Fin mai 2013, les may may Bakata Katanga attaquent les villages Lwela et Nsange et brûlent vifs 18 femmes et un enfant. Ils visent les pygmées, accusés de dénoncer leur présence dans les villages à l’armée (FARDC) et parce qu’ils s’organisent en groupe d’autodéfense.

Un conflit entre le bio (naturel) et l’industrie

Les pygmées restent encore orthodoxes à leur mode de vie. Plusieurs ont du mal à s’éloigner des forêts d’où ils tirent leurs ressources : de la cueillette. Or, dans ce Katanga minier, des gisements de cuivre, cobalt, manganèse et coltan avalent des forêts. Et donc, l’industrie bantu, y compris une chasse en forêt aux fins économiques menace l’espace vital pygmée. Dans ce contexte, le muntu énerve. Et bientôt envahisseur, les « autochtones » dorénavant tendus vers leur émancipation, se sentent obligés de réagir.

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