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Caprices, folies et stéréotypes des femmes enceintes

7 mai 2015
par Didier Makal

Comme si elles n’avaient plus de nourriture, des femmes mangent de la terre. Une roche creusée ou simplement concoctée par des connaisseuses. Ça fait d’ailleurs l’objet de tout un commerce entre le Katanga et le Kasaï (Mbuji-Mayi). Ce ne sont pas des idées, toutes reçues je crois, qui manquent pour justifier cette pratique aussi vieille que la fécondité en Afrique. Mardi dernier, je m’arrache à mon ordinateur. Ma montre indique 19 h 10. Je me précipite vers l'arrêt de bus pour rentrer chez moi. On se bouscule comme de coutume à l'heure qu'il est. Une fois dans le bus, silence de chapelle. Voilà qui permet de se remettre un peu de la fatigue visible sur plusieurs visages. Mais pour combien de temps ? En face de moi, une femme (la quarantaine) dénoue son mouchoir et en sort une motte de terre et se met à la croquer telle une carotte. La roche est dure. Une jeune femme à côté de moi s'active et se sert du dossier d'un siège du véhicule pour briser la roche qu’elle a prise. Emiettée, elle est redistribuée entre trois femmes. La première prenant la grosse part, parce qu'enceinte. Elles savourent de la terre ! « Nourriture » pour femmes enceintes terre juliettepirouettedotcom.wordpress.com kkiManger de la terre, géophagie selon une construction savante d'un médecin, est répandu parmi les femmes au Katanga. Mais les plus enclines à cette pratique déconseillée en médecine parce que source de vers, sont les femmes enceintes. Si scientifiquement cela n'est pas démontré, les gestantes pensent que manger de la terre « mûrit » la grossesse. Alors on en raffole ! On a beau prêcher que la mère peut souffrir de vers intestinaux. Pourtant, une des mangeuses de terre dit à la gestante que son bébé va naître avec des saletés sur le corps. ‒Enveloppé savamment et caché dans l’utérus, on ne sait comment. Comme si l’enfant était dans l’estomac !‒ La quadragénaire confiait : « A l'approche de l'accouchement, je bois de l'alcool qui lave l'enfant des dépôts (de la terre). » Incroyable. Une habitude à la limite de la criminalité. Tout un mythe en effet. Mais à chacun sa méthode. Une femme restée silencieuse depuis le départ intervient alors pour dire à cette mangeuse de terre alcoolophile, qu'elle nuit à la santé de son bébé. Mais quelle importance ! Elle a toutes les bonnes raisons de battre tout en brèche : sa grand-mère le lui a dit, sa mère le lui a répété, et elle est à sa huitième grossesse à coup sûr. Sept fois, elle a agi de la même manière. En plus, « tout le monde » mange cette terre que l'on vend bon-marché dans les rues du Katanga. Incroyable ! J’ai eu ce soir-là un retour à la maison pas comme les autres. J’ai dû rapidement prendre mon téléphone pour y inscrire quelques notes. Les femmes ont raconté leurs histoires. « Lorsque j’ai eu mon troisième fils, ah qu’il a commencé son sale caractère depuis le sein ce fils, s’exclame-t-elle. J’éprouvais du plaisir à sentir l’odeur de la fosse septique. » Invraisemblable. J’ai sursauté. « Comment est-ce possible ? » Elle pouvait simplement habiter une toilette, non ? N’importe quoi ma question. La gestante y a descellé un pauvre célibataire jamais tenté par l’aspiration de « paternité » (prenez-le comme opposé de maternité, si cela ne vous scandalise pas !). Ce n’est pas fini. Une autre raconte qu’elle a détesté son époux dès qu’elle est arrivée au troisième mois de la grossesse de son premier fils. Dieu seul sait si le bonhomme n’en a pas profité pour voir ailleurs, profitant de ce chèque en blanc, six mois ! Certaines gestantes deviennent agressives, d’autres ont l'injure facile, jusqu’à l’accouchement où « menteur et pourtant provocateur des douleurs », l’homme n’apparaît pas, fuyard. J’étais prévenu, vous l’êtes-vous aussi candidats à la « paternité ».