Nomades par le sang et jusque dans nos plats !

Article : Nomades par le sang et jusque dans nos plats !
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23 novembre 2015

Nomades par le sang et jusque dans nos plats !

Avons-nous complètement quitté la vie nomade ? Les riverains chantent le fleuve, les chasseurs adorent la forêt, la savane vomit des champignons… le ramassage perpétue le nomadisme caché au fond de notre âme de rejetons d’illustres nomades. Sans toi nature, qui serions-nous dans cette République démocratique du Congo ? Que tu es capricieuse, n’offrant qu’un seul petit moment : formidables champignons et chenilles !

Les premières pluies se multiplient à Lubumbashi et avec elles, de nouveaux aliments sur nos marchés ; des cuisines concoctent de nouvelles recettes et nos tables changent de temps en temps. On peut oublier la cure de chinchards !

Champignons et chenilles pour mieux se nourrir

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En RDC, les congolais ne peuvent pas manger des champignons quand ils en ont besoin. Photo M3 Didier, nov. 2015

Périssables, aussi tôt cueillis, ramassés, les champignons sont proposés aux passants, le long des routes. Au centre-ville de Lubumbashi, les vendeurs les étalent, dans les arrêts de bus. Ils ne se partagent plus entre voisins, comme dans le beau vieux temps de la solidarité des nomades !

Le plus normal du monde ! Les chenilles arrivent elles aussi, presque de la même manière à l’approche de la saison sèche. Nous les consommons depuis des siècles lointains. Face à une alimentation de moins en moins riche pour des économies assez menues, les nutritionnistes conseillent de manger des chenilles, des champignons ! Pourtant, ce ne sont pas que des pauvres qui en mangent.

« Qu’y a-t-il dans les poulets qu’on vous fabrique dans 40 jours et dans les chinchards longtemps gardés dans des chambres froides avant d’arriver ici ? interroge un professeur au cours d’une leçon. Je préfère manger des chenilles, des fretins, des choses naturelles. »

Presqu’une sacralisation du ramassage, en effet ! Mais aussi une commémoration de notre passé de nomades jamais fini. Mais quel dommage que ce plaisir et ces goûts ne durent que le temps d’une particule d’une saison ! Les chenilles en grande quantité en RDC sont importées de l’Afrique australe.

Sommes-nous demeurés nomades malgré tout ?

Champignons, chenilles, et de nombreux biens du ramassage offerts sur nos tables, à chaque saison, est-ce une preuve que nous n’avons jamais rompu avec notre passé de nomades ? Delphin Kahimbi, professeur de sociologie à l’Université de Lubumbashi, hésite.

« Le comportement alimentaire reste lié à la culture de sa société et à l’écologie de son milieu. Nous nous retrouvons dans une zone où l’écologie fait que nous puissions avoir des champignons. Vous retrouvez dans cette zone, vous êtes déterminés par des produits qu’elle offre. Les habitants de Lubumbashi consomment donc ces produits-là, même s’ils (produits) sont liés aux activités des nomades. »

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Des champignons étalés par terre au bord d’une route à Lubumbashi. Photo M3 Didier, novembre 2015

Des aliments non sédentarisés

Est-il que les sédentaires partagent, là, un mode de vie suffisamment nomade : par le ramassage, au rythme des saisons. Ainsi, en RDC, les champignons ne se consomment jamais hors de leur période de parution naturelle. Peu seulement savent que champignons, chenilles et autres peuvent entrer dans le cycle agricole.

« Hey, cultiver les champignons ? » m’interroge une vendeuse, une quarantaine, défiante. Pourtant, selon professeur Jules Nkulu, agronome, la RDC connaît un retard sur ce plan.

« C’est possible et facile de cultiver les champignons. Il suffit de mettre les souches dans de bonnes conditions pour qu’elles germent. On peut ainsi consommer, toute l’année, les champignons. Au Kenya cela existe, en Europe depuis longtemps. »

Même sédentarisés, il y a des siècles, des millions des citoyens congolais circulent à travers forêts et savanes, à la recherche des aliments. Ils croiseront un jour, les « génies » des forêts ! Pour avoir dévasté leurs forêts, à la recherche des minerais, au nord du Katanga, les Pygmées sont en colère après les bantus. C’est une des causes du conflit qui les oppose à ces rejetons des nomades « venus du nord », qui n’ont pas achevé leur sédentarisation.

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