Ils se prennent pour des rois, ils ignorent ce qu’est l’ Afrique

Article : Ils se prennent pour des rois, ils ignorent ce qu’est l’ Afrique
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22 mai 2018

Ils se prennent pour des rois, ils ignorent ce qu’est l’ Afrique

Faites un tour des palais présidentiels, des armoiries de leurs pouvoirs. Revisitez les images phares des dirigeants politiques tristement célèbres comme Mobutu, Bongo, Bokasa… ils inspirent le pouvoir traditionnel africain dont ils arborent des insignes. Vous vous rendez compte que ces détenteurs du pouvoir politique moderne se prennent pour des rois d’Afrique. Sacré amalgame !

Né zaïrois, et accidentellement un d’illustres inconnus et fugaces chantres à la gloire de l’idéel Mobutu, durant mes premières années de scolarisation, je l’ai pris d’abord pour un chef coutumier. Un chef, comme ce que mon papa m’a appris à devenir, comme tout petit prince, né d’une lignée des chefs de Chitzau dans le Kapanga, en RDC.

Le chef est sacré en Afrique

Puis, grandissant, j’ai réalisé que Mobutu, que personne n’osait librement nommer dans une conversation, était un chef pas comme celui que j’étais appelé à devenir peut-être un jour. J’ai aussi découvert trop d’amalgames, trop de mensonges entourant l’image du président de la République, des ministres, des gouverneurs, … de ces autorités qui se croient chefs à l’image de nos chefferies traditionnelles. Et pour entretenir ce mensonge, ils se couvrent d’attributs du pouvoir traditionnel.

Déjà, je constate que c’est manquer d’honnêteté. Et qu’attendre alors des types malhonnêtes à ce point ? Du président Mobutu, par exemple, tous les zaïrois ont appris que :

  • Le chef est sacré, on ne joue donc pas avec lui
  • On danse pour le chef, on lui rend service
  • On ne le critique pas, « on ne crayonne pas le chef », on le loue, etc.

Les chefs ne sont pas les seuls sacrés en Afrique

Tout cela se poursuit ici et ailleurs sur le continent. Voici donc pourquoi ils ne connaissent pas l’Afrique qu’ils essaient de nous enseigner. Une Afrique qui n’existe pas, en tout cas dans mon expérience kapangais.

D’abord, lorsque les politiques déclarent que le chef est sacré, en Afrique, ils veulent qu’on les respecte à l’absolu. Le respect, pourtant, on le doit à tout homme, même au bas de l’échelle sociale. Car, après tout, dans cette Afrique, et le chef et toute vie d’ailleurs… tout est sacré.

On a aussi des rivières, des forêts et des terres sacrées. Il s’agit ainsi de respecter l’ordre naturel, la vie. On les respecte. Les chefs prient, font des offrandes pour que les récoltes soient bonnes, que les épidémies passent, ils chassent les fantômes des villages… Sauf que nombreux parmi ces sacrés chefs modernes qui se croient traditionnels, ne respectent ni la vie, ni les choses sacrées. Ils affament leurs peuples, ne font pas grand-chose pour définitivement en finir avec les épidémies et la pauvreté.

Gorée, Esclaves, Afrique
Des esclaves africains, photographie d’une décoration sur l’île de Gorée, Sénégal-Dakar. Photo Didier Makal, 2015

Les chefs ne détestent pas la critique

Dans nos villages les plus africains, à Chitazu par exemple, les chefs ne sont pas à l’abri des critiques. Bien au contraire. Même l’absolu Mwant Yav, l’empereur des Lunda, dans l’ancien Katanga, est publiquement critiqué. Un chef a le devoir de collecter des critiques des citoyens, et profite des manifestations publiques pour les lui crier, à son passage. Il ne le tue pas, il ne supprime pas ce rôle…

Aussi, j’ai appris dès mon enfance que le chef rend service. Ceci restera à jamais l’image du chef au service du peuple. Tenez ! Une furieuse pluie commence à tomber, obscurcissant le village qu’il a couvert de son nuage épais. Bientôt grondements et tonnerres se multiplient. Oiseaux, chèvres, moutons et villageois se cachent. Sorti de son palais, le chef se mouille, luttant contre des foudres qu’il croit sur le point de s’abattre sur le village. Il y reste jusqu’à la fin de cet orage. Il a fait son devoir : protéger son peuple. C’est pour cela qu’il est devenu chef.

L’ennui, lorsque les politiques se réclament du pouvoir traditionnel, ils ignorent ce sens du devoir. Plusieurs croient qu’on leur doit beaucoup, sinon tout. Ils ne connaissent pas l’Afrique qu’ils veulent présenter, simplement pour justifier leurs envies démesurées.

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Commentaires

Bernard Bittebierre
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La semaine prochaine, il y aura les elections et vous aurez un nouveau chef (d'état). J'espère qu'il sera à la mesure de ce que vous attendez.