C’est vous qui financez les insultes et diffamations sur Internet

Article : C’est vous qui financez les insultes et diffamations sur Internet
Crédit: Pixabay
RDC
2 juillet 2024

C’est vous qui financez les insultes et diffamations sur Internet

Vous êtes dépité par les incivilités sur Internet ? Elles prospèrent peut-être grâce à vous, malheureusement. Laissez-moi vous le dire sans ambages. Beaucoup parmi nous, en effet, financent la bêtise, les insultes, la diffamation et même les fake news. Installez-vous, et parcourons ce comportement auquel vous ne faites peut-être pas toujours attention.

Bien installé.e ? Merci. Notons tout d’abord que les incivilités attirent plus l’attention que les bons discours plus polis. C’est comme si l’art et l’état brut des discours étaient en continuelle confrontation où la brutalité est assurée de l’emporter. Vous aimeriez peut-être que les choses changent. Alors, comme moi, décidons d’une chose. Agir pour le changement.

Plus clairement, notons que ce type de discours que j’appelle incivilités (insultes, diffamations, fake news, etc.) attire beaucoup. Un parler ordurier, une grande gueule qui s’attaque à tout et à tous sans gants ni vergogne, un type qui démystifie journalistes et dirigeants politiques ou religieux, ça intéresse. On veut les écouter, on partage leurs contenus sur les réseaux sociaux. Vous connaissez ces gens dans votre pays. Dans le mien, en République démocratique du Congo, ils ne se cachent pas. Ils sont même très sollicités par des personnalités publiques qui ont des comptes à régler avec d’autres.

Malheureusement, ne me demandez pas de les citer, ni de citer ceux qui les envoient. C’est un secret de Polichinelle. Certains qui s’appellent journalistes reçoivent même des dirigeants ou anciens dirigeants politiques. Mais je ne voudrais pas leur donner l’occasion de venir me lessiver sur les réseaux sociaux ! Je ne les citerai donc pas. Mais leurs contenus sont plus sollicités, plus commentés et partagés, mieux que des enquêtes journalistiques sur les détournements massifs des deniers publics. Ce n’est pas dingue, malheureusement, ici ! Cela me semble l’ordre normal des choses quand on marche sur la tête !

Votre attention intéresse et réalise une économie

Parfois, on télécharge leurs contenus, on les partage en circuits fermés, entre amis durs. On en rit, on commente. Sur la toile, en circuit ouvert, on passe sans glisser un seul mot dans les commentaires. Là, on mène l’autre vie de sérieux, de type correct. On ne condamne rien.

Mais en quoi ce comportement est-il dangereux et, surtout, en quoi quelqu’un qui agit ainsi finance-t-il insultes et diffamations sur Internet ?

L’insulte. Les excuses. British Museum | Crédits : British Museum via Picryl.com

Eh bien, il faut lire ce qui s’appelle « économie de l’attention », pour comprendre ce qui se passe. De quoi s’agit-il, en fait ? Ne nous compliquons pas la vie. L’économie de l’attention est celle qui consiste à capter l’attention du public à qui on propose diverses choses à cette fin. L’attention des gens est devenue un élément très recherché dans le but de gagner de l’argent et d’autres biens. Les films, les livres, les sites web, etc., entrent dans cette catégorie.

En effet, l’attention, comme le dit le CNRS, est un bien précieux. Il faut que des gens accordent de l’attention à quelque chose pour qu’il prospère.

Si vous avez compris cette explication, alors les choses sont claires à propos des injurieurs et insulteurs des réseaux sociaux. Les créateurs et propagateurs des fake news ont compris que l’attention est un bien économique. Ils rivalisent de stratagèmes pour l’avoir, car à cause de la trop grande disponibilité de l’information dans le monde du numérique, l’attention se fait rare et pas facile à avoir. Alors, les incivilités peuvent aider à retenir les gens. Alors les gens prospèrent dans leurs incivilités parce qu’il y a toujours des personnes qui les consomment. Il suffit qu’ils téléchargent et partagent des contenus pour que les concepteurs en tirent profit.

Retirer son attention des insultes

Ce profit n’est pas toujours de l’ordre financier. C’est-à-dire, il n’y a pas que l’argent qu’on gagne, quand on diffuse ce type de contenu. Parfois, c’est juste la simple satisfaction de savoir qu’on est suivi. Cela dit à l’auteur qu’il a un auditoire, que son travail est utile et qu’il y a des gens qui l’attendent pour qu’ils débitent des incivilités. Alors, ils scrutent les chiffres sur leurs plates-formes : les likes, les partages, le nombre de visites, etc., qui sont des gratifications au niveau psychologique.

Avez-vous compris, au final, ce qu’il faut pour faire reculer ce type de contenu dans votre environnement ?

À LIRE AUSSI

Nous, pauvres adorateurs des fake news !

De mon point de vue, il suffit de détourner son attention de ce travail négatif pour nos sociétés. Les chiffres vont s’effondrer et la satisfaction ou l’idée que les gens aiment l’insulte s’éteindra avec eux. Mais, ne soyons pas naïfs. Ma solution ne constitue pas une panacée. Car l’industrie de la bêtise qui sollicite notre attention prospère avec d’autres moyens encore. Parfois, elle est aidée par les algorithmes des réseaux sociaux qui amplifient des négativités qu’on cache sous le manteau de la liberté d’expression. Par exemple, il n’est pas facile de faire supprimer certains propos insultants que des réseaux sociaux considèrent comme de la liberté de parole.

Il faudra donc d’autres mécanismes, combinés avec celui que je propose ici, pour faire reculer les incivilités dont nous sommes complices. Retirer son attention de ces choses est déjà un bon pas dans la bonne direction. Arrêtez de financer la bêtise et l’insulte. Arrêtez !

Étiquettes
Partagez

Commentaires