Nous, pauvres adorateurs des fake news !

Article : Nous, pauvres adorateurs des fake news !
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RDC
1 avril 2024

Nous, pauvres adorateurs des fake news !

Mais quelle journée, ce 1er avril ! Le mensonge est à la une, plus gravement les fake news, et ce n’est pas à la seule échelle des menteurs professionnels qui décident enfin de dire la vérité. Même les non-menteurs, je vais dire les menteurs occasionnels, s’adonnent à l’art d’induire en erreur, de duper. Tant pis s’ils espèrent rire, rigoler. Puisque quelque part, on se demandera si le blagueur de ce jour a et aura l’occasion de rattraper tous ceux que sa blague a touchés et qui l’ont prise pour du vrai, pour démentir.

© Photo de Joshua Miranda sur Pexels

L’occasion me permet de réfléchir, ce matin, sur notre relation au faux, au mensonge, au tout petit mensonge le plus gentil qui soit. Aux fake news ! Pauvres menteurs, pauvres consommateurs et producteurs de mensonges que nous sommes !

Nous est-il toujours permis de blaguer, avec le faux ?

Hier soir, un utilisateur de Facebook m’a pourtant prévenu : « demain, c’est le premier avril. Les menteurs diront la vérité ». Je me suis bien amusé à lire ce texte. Puis, je me suis endormi. Saintement. Pourtant, ce lundi matin, je suis tombé dans le panneau. Je me suis empressé de rédiger mes vœux sur le mur d’un ami, sur Facebook. Je ne me rendrai compte de sa blague que lorsqu’il réagira à mon vœu, en me disant que ce n’était pas son anniversaire de naissance.

Capture d’écran du fil d’actualités Facebook. © lubumbashiinfos

A l’ère de la pullulation des fake news et des ravages qu’elles causent dans nos sociétés, de l’économie à la santé en passant par la politique et la défense, nous est-il toujours permis de blaguer, d’oser affirmer le faux dans le seul louable but de rire ? C’est peut-être mal poser la question, mais tout le problème est là. Le mensonge, le faux, volontairement conçu ou non, nous environne. Il nous poursuit, nous hante, et de temps en temps, nous le recherchons. Un ami s’amuse souvent bien à dire ses opinions sous la forme du faux. Il prend alors toujours soin de précéder ses textes de la mention « fake news ». Cette pratique me fait réfléchir justement sur notre relation aux faux ! Car nous semblons en raffoler.

Je me passerai ici de nos petits mensonges quotidiens pour échapper au tracas ou au harcèlement (que nous inspire) de tel ou telle proche. Je me passerai aussi de ces « petits » mensonges que nous flanquons aux autres pour des raisons de « face », comme dans l’expression « perdre la face » qui veut dire être ridicule ; situation qui rappelle que nous sommes, de temps en temps, de pauvres adorateurs du faux, de fausses nouvelles, de faux récits ou témoignages. Tant mieux si cela nous permet de triompher, de paraître « moderne », « branché », « à la mode » ou « gentils ».

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Mais nous demandons-nous ce que cela fait de nous lorsqu’on vient à réaliser notre « supercherie » ? Cela explique peut-être que dans nos sociétés, au Congo mon pays, en Afrique, en Europe ou ailleurs dans le monde, nous soyons assez tolérants face au mensonge, aux gentils « petits » mensonges, même s’ils font de grosses faussetés qu’on impose à la place de la vérité, notamment en politique.

Oui, en politique dans mon pays, par exemple, mentir (ou ne pas tenir ses promesses) ne choque pas, et ce depuis des décennies. On entend des personnalités de haut niveau énoncer une vérité, et le temps de cligner les yeux, on les entend énoncer tout l’inverse. On accuse les gens sans se soucier d’apporter la moindre preuve à nos affirmations. C’est comme si les choses étaient vraies par le seul fait de les affirmer. Le plus surprenant dans tout cela, c’est que face aux mensonges, on ne s’indigne pas, on ne proteste pas. On rigole plutôt, on caricature le menteur supposé ou avéré, en l’affublant de sobriquets.

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Il me semble que, du Gabon à Kigali, en passant par Kinshasa, Tunis et Cap Town, le mensonge a des degrés variables et dépend des victimes. Certains, on va les tromper un peu gentiment, avec amour. C’est l’amour propre des menteurs et non ceux qu’on roule dans la farine. Car le menteur se soucie plus de lui-même que des autres. Tant qu’il se souciera qu’on le découvre comme grand ou petit menteur, il choisit la hauteur de sa sanction prochaine.

Alors, souvent, il ment « un peu », simplement. À la mesure de son mensonge, il sera jugé par sa société. Souvent, on pardonne à ce type de menteur en considérant le bien réalisé. D’autres, en revanche, on les trompe violemment. Mais tant qu’ils adorent le mensonge, je ne sais quoi leur dire. Ici, toutefois, le menteur ne se soucie pas de son image ni de ses interlocuteurs d’ailleurs. Qu’on le veuille ou non, il est là, sera là et semble n’avoir de compte à rendre à personne.

Telle est l’écologie que m’inspire le mensonge. Elle permet de comprendre que le menteur prospère toujours grâce à ses victimes. Comme quoi, et je m’arrêterai là, les fake news qui inquiètent des Etats ne reculeront pas dans ce monde tant qu’il y aura des consommateurs de fake news. Je veux dire que, sans révolte et rébellion face aux mensonges, au niveau sociopolitique et de l’éducation morale, nous applaudirons toujours les petits menteurs qui font de grosses duperies et rirons de gros menteurs qui nous violentent.

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