Didier Makal

Chacun pour soi, Ebola pour tous moins l’Afrique !

Chacun pour soi, mais Ebola pour tous. Il faut bien ne pas imaginer l’Afrique dans le « tous ». Elle vient de manquer une fois de plus, de marquer des points dans la gestion de cette maladie. L’Afrique fait preuve non seulement d’une incapacité de coordination des efforts pour venir à bout de cette maladie désormais à portée mondiale, mais elle ne fait rien du tout en tant qu’organisation continentale. Comme toujours, l’Occident vole au secours. Sans doute, il ne faut pas imaginer que c’est avant tout par amour de l’Afrique. Il faut arrêter le mal à sa source. C’est plus simple à comprendre.

Ebola Stop
Un agent de santé en tenue de protection contre Ebola. Conception photo M3 Didier

Il ne faut pas imaginer une Union africaine pragmatique face aux grands enjeux africains, en tout cas, pas pour le moment. Limitation des frontières entre Etats, de démocratie, dictatures, fin des mandats pour les dirigeants, pauvreté, conflits armés et de bonne gouvernance… ça cogite, puis rien. Toutes ces questions n’ont jamais trouvé des résolutions solides en Afrique.

Bonjour Ebola

Ebola est là une fois de plus et rien du tout, hormis des discours. A l’inverse, c’est l’Union européenne, l’ONU et des Etats occidentaux qui s’en préoccupent. Des millions ici, des milliers de dollars là, et en Afrique ? Pourtant, dans les discours, l’UA veut s’assumer comme puissance continentale hors de qui il n’y a pas de salut. Mensonge. Il se révèle, et c’est déjà dit, qu’elle est un simple club de chefs d’Etat en quête de protection et de complicité pour le pouvoir.

Des frontières sont fermées plutôt que d’apporter de l’aide, des rendez-vous de football reportés et des vols d’avion annulés… toute une économie en danger et tout un symbole d’inefficacité et surtout, d’incapacité de prouver une union. Il faut finalement que chaque pays s’arrange pour arrêter son mal. Tant pis si vous mourez chez vous, pourvu que ça ne vienne pas chez nous. Mais hélas, Ebola est déjà aux Etats-Unis, en Allemagne, en Espagne, en France et peut-être demain, en Asie quelque part !

Il faut s’attendre à pis encore. Aujourd’hui c’est Ebola, demain on ne sait quoi ! Et bientôt, si rien ne s’améliore, c’est toute l’économie continentale qui devra souffrir puisque le monde arrêtera de fréquenter l’Afrique. Chaque fois qu’un visiteur arrive à un port, à un aéroport… on s’inquiète, on attend 21 jours, et ça tourne en rond. Puis, le vertige, la peur.

Au secours de l’Ouest !

Où il fait plus mal avec Ebola, c’est en Afrique de l’Ouest. Un nouveau décompte macabre a été fait en début de la semaine qui s’achève, à l’ONU : 4 000 décès sur près de 9 000 cas suspectés ou détectés. En quelques mois, Ebola atteint un seuil de nuisance facilement comparable au sida. Plus grave que ce dernier, il tue vite et se propage rapidement. Il y a urgence. L’Afrique devrait vite agir, se montrer solidaire et prouver cette solidarité.

De bons résultats en RDC

Ebola
Une équipe de lutte contre Ebola en RDC. Source: www.radiookapi.net

La République démocratique du Congo vit sa 7e crise d’Ebola. Et comme chaque fois, dans le calme elle a été gérée. Cette année, plus d’un mois a suffi pour noter des résultats satisfaisants. A ce jour, elle est presque finie d’après les informations du ministère de la Santé de ce pays. Le succès sur Ebola en RDC tient peut-être à la situation géographique de la région de Boende, dans la province de l’Equateur. Une région complètement enclavée facile à mettre en quarantaine.

Un médecin explique qu’il n’y a rien de spécial que l’observance des strictes mesures d’hygiène : ne pas toucher les morts, ne pas manger la viande d’animaux trouvés morts, se laver proprement les mains … isoler les patients et les soigner avec des sirops, etc.

Une folle panique

Je suis loin de croire que les Congolais soient devenus les seuls capables d’assimiler ces leçons que connaissent tous les médecins et qu’ils enseignent d’ailleurs même en Afrique de l’Ouest où, semble-t-il, cet Ebola est intenable. Sans doute, on me dira que les souches des virus de ces maladies (Souche RDC et Afrique de l’Ouest de cette même maladie). Mais c’est quand même Ebola ! C’est qu’il y a quelque chose de commun à ces deux Ebola. On peut donc s’inspirer des pratiques qui ont réussi en RDC.

Et donc, je considère qu’il y a du business sous la mobilisation contre Ebola. Certes, Ebola reste réel et tue. Mais que le monde n’arrive pas à l’arrêter, cela paraît suspect. La stratégie pour ceux qui en tirent profit consiste ainsi à faire davantage de bruit en vue de mobiliser le plus de moyens pour vendre… en réalité des placebos. Puisqu’en fin de compte, il n’y a pas de solution contre Ebola à ce jour. Un médecin français disait il y a quelques semaines qu’il n’y a que l’observance des strictes mesures d’hygiène qui peut tout arrêter.


RDC : la seconde vie des Belges

L’écho des performances économiques des trois  dernières années en République démocratique attire sans doute toutes les attentions, peut-être même certaines convoitises. Après une diplomatie assez trouble depuis quelques années, et ce malgré des réconciliations de façade, les Belges qui sans doute connaissent le Congo mieux que nul autre pays « ami » marquent leur retour. Déjà au Katanga, leur nombre augmente d’année en année. Après la mission économique de 2013, une nouvelle mission économique conduit jusqu’au 23 octobre prochain, 50 entreprises et plusieurs hommes d’affaires belges au Katanga et au Kasaï notamment, des régions riches respectivement en cuivre, cobalt et en diamant.

La mission économique et commerciale belge arrive un peu en retard au Katanga. Des espaces, mieux les carrières minières intéressantes sont déjà attribuées à Tenke Fungurume Mining, filiale de l’américain Freeport McMoRan Copper & Gold (majoritaire) et à KCC, filiale de l’anglo-suisse Glencore. Il existe bien d’autres Minings nées après la vente de la Gécamines qui faisait autrefois la puissance économique de ce pays.

Des indications rassurantes

Depuis  2003, le Katanga est passé de 13.000 tonnes de cathodes de cuivre à 942.000 en 2013. Pour le cobalt, on est passé de 8.300 tonnes à 58.400 en 2013. « Les projections pour 2014 avoisinent un million cinq cent mille tonnes », a précisé le ministre des Finances du Katanga Christian Mwando. C’est une croissance sans doute éblouissante. Selon Stéphane Dopagne, consule énéral de Belgique à Lubumbashi, le Katanga contribue avec les mines à 22 % au budget de l’Etat. C’est sans compter les autres secteurs de l’économie de la province.

Stéphane DOPAGNE, Consule belge Lubumbashi
Stéphane Dopagne, consul belge à Lubumbashi. Photo M3 Didier

C’est sans doute au regard de ce tableau reluisant que les Belges qui connaissent le Katanga et le Congo, tentent d’opérer leur rentrée. Déjà, ils ont repéré des secteurs presque vides ou sans investissement sérieux, de non moindre importance : probablement les mines, l’énergie, le transport, l’agriculture …

Les mines, mais aussi l’énergie

Les activités minières restent, à ce jour, incontournables au Katanga. Déjà le thème du séminaire lancé ce 13 octobre à Lubumbashi dit tout des intentions des quelque 50 entreprises belges arrivées au Katanga, en mission économique : « Mines et énergies ». En plus des mines, les Belges espèrent se lancer dans la production et la vente de l’énergie. Ils s’y connaissent mieux ! La plupart des barrages hydroélectriques de RDC restent des réalisations de l’Etat colonial, le Congo-Belge.

A Lubumbashi, mieux en RDC, la Société nationale de l’électricité (SNEL) est fortement dépassée par les demandes toujours croissantes. D’abord celles des miniers et autres industriels, mais aussi celles des villes qui n’arrêtent pas de croître. Forcé Contraint de casser le monopole dans l’exploitation et la vente de l’énergie électrique, l’Etat est sur une voie qui pourrait, si cela tient et réussit, booster son économie.

Christian MWANDO, Ministre Finances Katanga
Christian Mwando, ministre des Finances et de l’Economie, Katanga. Photo M3 Didier

Les belles performances économiques ci-haut portées sont freinées par l’insuffisance de cette énergie. Parfois elle existe, mais pas comme les miniers voudraient l’avoir. Il se fait qu’il y en a qui en ont parfois abondamment pendant que d’autres souffrent pour réaliser leurs tâches. D’où cet appel de Christian Mwando : « Nous encourageons les hommes d’affaires belges, à pencher sur ce traineau que le législateur a décidé de libéraliser en rompant notamment, le monopole de la société nationale de l’électricité. »

Les Belges sont de retour

Plus qu’un simple lien historique par la colonisation, la Belgique espère progressivement reprendre sa place, sinon redevenir  importante… dans les échanges économiques entre la RDC et le reste du monde. Longtemps après la colonisation, les produits miniers congolais ont continué à faire fonctionner les usines belges, sans gisements actifs des minerais en Belgique. Au cours des années de moins bonnes relations diplomatiques, de Mobutu à Joseph Kabila, la puissance coloniale a dû souffrir de cette dépendance des matières premières congolaises. Le Congo a bien réussi à exploiter cette faiblesse belge. Mais parfois à ses dépens.

Si le gros des carrières a déjà été attribué, il reste que les Belges attendent la ou les leurs ! Sans verser dans la polémique colonialiste ou dé-colonialiste, j’estime que les Belges n’arrêtent pas de penser que le Congo c’est chez eux. C’est d’ailleurs le même sentiment qu’éprouvent plusieurs Congolais qui se rendent en Europe. Ils sont nombreux à choisir la Belgique comme destination plutôt que le reste de l’Europe. Cela illustre bien les liens qui unissent les deux pays. Mais il y a dans l’œil du Belge, un certain souci inavoué de « reprendre », « récupérer… » ! Ah oui, c’est normal quand on a été le premier de se considérer comme privilégié.

Mais je crois bien que ce retour devra gêner à un certain moment. L’Occident semble se départir difficilement de certaines habitudes coloniales ou postcoloniales. Sans doute quelque chose a changé, mais la gêne…


QUOI, ÇA AUSSI, LA FAUTE A MOBUTU … ET AUX BELGES ?

Très Honorablissime, député de mon pays. Je vous écris en bon citoyen, mais pardonnez-moi si j’arrive à vous vexer. Rassurez-vous, vous avez vexé plusieurs. Je vous ai entendu, à l’assemblée, arguer que … c’est la faute à Mobutu. Hier, encore vous, vous pointiez les Belges. Et en tout ça, seriez-vous devenu un saint ? Alors allez au ciel ! Quelle est votre responsabilité ? Ils sont partis, Mobutu et les belges, il y a bien longtemps. Depuis, c’est vous…

Déplacés
Un village en RDC. Source: OCHA.

Aujourd’hui, vous avez l’honneur d’être un doyen. Vous avez vu s’installer Mobutu, vous l’avez vu partir. Vous êtes là encore. Et comme d’habitude, vous êtes là… dans la capitale, dans le luxe qui fait peur à vos électeurs. Le soir dans votre base électorale, vous vendez des rêves aux pauvres. Le matin à l’hémicycle, vous n’oubliez pas qui vous a formé : Mobutu. He bien, il est là en vous ! Vous le représentez valablement. Tenez !

La faute des belges ?

Vous dites que c’est la faute aux belges ? Qu’ils ont pillé le Congo ? J’en conviens. Mais ils sont partis, voici 54 ans. Ils ont laissé les routes. Vous alliez aussi rapidement à votre village que vous ne vous rendez aujourd’hui à Kinshasa par avion. Aujourd’hui, c’est devenu très loin, chez vous au village. Vous avez même oublié ce qui s’y passe réellement. Même à votre récente élection, vous ne vous y êtes pas rendu, parce que pas de route. Qu’avez-vous fait des routes des belges ? Que la route vers votre village, où vivent vos familles sa gâte, ça aussi, est-ce la faute des belges ? Dans quel état avez-vous mis la Société des chemins de fer du Congo? Pouvez-vous voyager aujourd’hui par train pour vos vacances chez vous au village?

Ils ont laissé la Gécamines, la Miba, des productions de coton, des fermes, des champs nombreux. Votre pays, vous nous l’avez appris, était une puissance économique, agricole, … pareil au Canada ! Vous n’avez pas honte à le dire ! Mais que s’est-il passé ? Aussi la faute aux belges, que vous ayez tout dilapidé ?

Quoi, Mobutu ?

­– Ah, je vois. Mobutu ! Mais vous étiez avec lui. Partout. En tout. Mais il est parti, cher député. Il y a voici 17 ans ! Vous les meilleurs, les saints, vous êtes là depuis 17 ans. Nous avez-vous montré le paradis ? Oh, notre cher Mobutu ! S’il avait vos chances à vous ! Il n’a jamais vendu les gisements de cuivre et cobalt de la Gécamines, jamais ceux de diamants ni d’or… il n’a jamais eu votre pétrole à vous au Kivu. Mobutu n’a pas vu s’affoler les prix de caciterite. Sans avoir vos ressources mirobolantes d’aujourd’hui, je parle comme les israélites sortis d’Egypte, les zaïrois mangeaient, se mariaient et avaient un salaire, mieux qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, 90% des citoyens actifs sont sans emplois. Mobutu, qu’a-t-il à y voir ?

Le dictateur ? Oh oui. Dites-moi, cher député. Qu’avez-vous changé ? Les élections ? Ou le parlement où se joue un cinéma télévisé, en direct ? Qu’avez-vous changé ? Ah oui. Parler comme moi aujourd’hui, à un député. Peut-être. Mais les gens parlaient, écrivaient, insultaient Mobutu. Certains étaient emprisonnés, torturés ; les plus chanceux tués… et les pleins de grâces, s’exilaient. Mais il y a un Tshitshi : il a résisté à tout. Dites-moi, avez-vous inventé la roue ?

Je vais arrêter mon pessimisme, cher député, bientôt « dépité ». Tout l’or de Kilo-moto s’épuise. Les montagnes de cuivres et cobalts sont rasées au Katanga, bientôt, vos petits-fils combleront les trous. Rien d’intéressant à Bakwanga au point que vous n’osez même pas relancer la Miba. Ah oui, vous avez le pétrole et le Gaz. Mais vos voisins de l’Est l’épuisent bientôt pendant que vous… dormez ! Nous, on a faim, on a soif, on dort dans le noir, on finit les études sans espoir. Au Katanga, nous somme 65% d’analphabètes… Car vous, vous êtes là depuis toujours. Est-ce la faute à Mobutu, ça aussi ?

Depuis toujours, vous nous faites honte, vous nous violentez. Bientôt, vous ne serez plus députés, mais bien dépités. Dernière prière : Laissez tranquilles Mobutu et les Belges. Vous êtes seuls auteurs de notre malheur aujourd’hui.